Trafic d’ivoire : enquête et justice à Dolisie

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Trafic d’ivoire et enjeux de sécurité intérieure

Le 4 octobre, les forces de gendarmerie en poste à Dolisie, chef-lieu du Niari, ont procédé à l’interpellation de deux ressortissants congolais en flagrant délit de détention et de tentative de commercialisation de quatre pointes d’ivoire. L’affaire, désormais instruite par la justice, dépasse le simple fait divers : elle révèle la persistance de filières criminelles capables d’exploiter les corridors routiers entre le Gabon et la République du Congo. À l’heure où les États d’Afrique centrale renforcent la préservation de leur patrimoine faunique, le braconnage n’est plus seulement une menace écologique, il constitue un risque sécuritaire à part entière, alimentant des économies souterraines et fragilisant les équilibres locaux.

Le renseignement criminel indique que les ivoires saisis provenaient de deux éléphants abattus au Gabon, avant d’être acheminés jusqu’à Dolisie pour y être écoulés. L’itinéraire met en évidence un savoir-faire logistique et une connaissance des points de contrôle susceptibles de faire défaut, caractéristiques des réseaux transnationaux structurés. Dès lors, la réponse des autorités congolaises se doit d’intégrer, au-delà de la protection de la biodiversité, une dimension de sécurité publique et de stabilité régionale.

Gendarmerie de Dolisie : première ligne de défense transfrontalière

La rapidité de l’arrestation souligne la montée en compétence des unités territoriales de la gendarmerie, qui ont développé des capacités de veille dans une zone à la topographie forestière complexe. Selon un officier rencontré sous couvert d’anonymat, « le succès de l’opération repose sur une connaissance fine du terrain et sur la confiance avec les communautés riveraines ». L’information initiale aurait été transmise par un réseau d’informateurs locaux, puis recoupée par un travail discret d’observation avant l’intervention.

Cette action s’inscrit dans les orientations stratégiques du gouvernement, qui a fait de la sécurisation des axes frontaliers une priorité. Les effectifs affectés à Dolisie ont récemment bénéficié d’un renforcement en moyens de mobilité et de transmission, financé en partie sur le budget national consacré au maintien de l’ordre et à la lutte contre la criminalité environnementale. L’opération rappelle qu’une présence étatique crédible sur le terrain constitue le meilleur rempart contre l’enracinement de groupes criminels cherchant à exploiter les marges territoriales.

Coopération interservices et appui du projet PALF

Au-delà de la gendarmerie, la Direction départementale de l’économie forestière et le Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage (PALF) ont joué un rôle moteur dans la phase d’exploitation judiciaire. Les agents forestiers ont procédé à l’identification précise des trophées, attestant qu’il s’agissait bien d’ivoire d’éléphant de forêt, espèce intégralement protégée. Le PALF, de son côté, a apporté une expertise technique, notamment en matière de conservation des scellés et de constitution de la chaîne de preuves, gage d’un dossier solide devant la juridiction de Dolisie.

Cette synergie illustre la valeur ajoutée d’une approche pluridisciplinaire mêlant forces de sécurité, administration forestière et société civile structurée autour d’ONG partenaires. Elle démontre également la maturité des mécanismes nationaux de coopération, éléments essentiels pour faire face à des réseaux dont l’empreinte dépasse largement les frontières administratives traditionnelles.

L’affaire sera jugée à la lumière de l’article 27 de la loi sur la faune et les aires protégées, qui prohibe strictement toute détention ou transit d’espèces intégralement protégées sans dérogation. Les peines encourues, allant de deux à cinq ans d’emprisonnement et jusqu’à cinq millions de francs CFA d’amende, traduisent la volonté du législateur de rendre le crime faunique coûteux et incertain. Dans un pays où la biodiversité est un atout économique et symbolique, le renforcement de la dissuasion pénale constitue un pilier de la stratégie nationale.

Les magistrats de Dolisie, sensibles aux impératifs de protection environnementale, se montrent désormais plus enclins à prononcer des peines exemplaires. Un procureur souligne que « les trafiquants doivent comprendre que l’impunité appartient au passé ». Cette fermeté s’inscrit dans une dynamique régionale encouragée par les traités internationaux ratifiés par Brazzaville, à commencer par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction.

Vers une intelligence criminelle environnementale intégrée

Au-delà du verdict attendu, l’affaire de Dolisie questionne les capacités d’anticipation des forces congolaises face à un trafic qui évolue rapidement. L’émergence de nouvelles routes, la diversification des modes de transport et l’usage croissant des technologies de communication exigent une adaptation constante. De l’avis de plusieurs officiers, la mutualisation des bases de données, l’analyse prédictive et la formation de cellules spécialisées en renseignement environnemental constituent les prochaines étapes.

La mise en réseau des services congolais avec leurs homologues gabonais, camerounais et centrafricains apparaît également décisive. C’est en suivant la piste financière et logistique des commanditaires que les autorités pourront démanteler la chaîne de valeur criminelle. L’État, par la voix du ministère de l’Économie forestière, affirme sa détermination à investir dans ces outils modernes, convaincu que la protection de la faune n’est plus un luxe écologique mais un impératif de sécurité nationale. Car, en définitive, la souveraineté ne se mesure pas seulement à la maîtrise de l’espace terrestre, aérien ou maritime, mais aussi à la capacité de préserver les richesses naturelles qui fondent l’identité collective et soutiennent le développement durable du Congo.

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