290 M$ pour la sécurité sanitaire: enjeu majeur

7 Min de Lecture

Un engagement financier inédit pour la sécurité sanitaire régionale

Le communiqué diffusé le 29 octobre 2025 par la Banque mondiale acte le décaissement de 168 milliards de FCFA, soit 290 millions USD, en faveur du Programme de sécurité sanitaire en Afrique de l’Ouest et du Centre (HeSP). Quatre États de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale – Cameroun, Centrafrique, Congo et Tchad – bénéficient de cette enveloppe, destinée à consolider la prévention, la détection et la réponse rapide aux menaces biologiques. En coulisse, l’institution de Bretton Woods souligne qu’une crise sanitaire mal contenue se transforme vite en crise sécuritaire, affectant la stabilité des gouvernements et la continuité des forces armées.

À Brazzaville, le ministère de la Santé et de la Population salue « un levier décisif pour protéger les populations et préserver l’efficience opérationnelle des forces de défense ». L’allocation budgétaire prévoit la création de laboratoires de niveau 3, l’amélioration des réseaux de transport héliporté pour les échantillons critiques et la dotation d’équipes d’intervention rapide, autant de capacités duales susceptibles d’être mobilisées par les armées lors de déploiements externes ou de catastrophes intérieures.

Coordination civilo-militaire, clé de la riposte épidémique

Lors de la pandémie de COVID-19, les Forces armées congolaises (FAC) avaient démontré leur valeur ajoutée logistique en déployant des hôpitaux mobiles et en sécurisant les corridors humanitaires. L’expérience a convaincu le Haut-commandement qu’une doctrine de santé opérationnelle robuste est indissociable de la préparation des troupes. Inscrit dans la stratégie HeSP, un Centre national de commandement sanitaire, interconnecté avec l’état-major général, verra le jour à Mpila. Il intégrera en temps réel les données épidémiologiques, les flux de patients et les mouvements de personnels, garantissant une prise de décision tactique sous contrainte de temps.

Le colonel-médecin Alain Mampouya, chef du service de santé des FAC, rappelle que « la première ligne de défense contre un agent pathogène commence bien avant la ligne de front ». Grâce au nouveau financement, ses équipes recevront des formations conjuguées à celles de la Protection civile, créant un vivier d’experts capables d’opérer dans des zones isolées, de maintenir la discipline prophylactique des troupes et de soutenir la population civile, renforçant ainsi le lien armées-nation.

Modernisation des infrastructures et potentiel dual

La part congolais du fonds s’élève à près de 60 millions USD, affectés en priorité à la rénovation de l’Institut national de recherche biomédicale de Brazzaville et à la construction d’un port sec sanitaire à Oyo, le long du corridor fluvial stratégique entre Pointe-Noire et Bangui. Cette plate-forme assurera l’inspection, la décontamination et, au besoin, la mise en quarantaine de cargaisons sensibles, limitant les risques de bioterrorisme ou de trafic de pathogènes.

Au-delà de l’enjeu purement sanitaire, ces infrastructures offrent un potentiel dual industriel significatif. Les entreprises locales de génie civil et d’équipements de laboratoire, souvent déjà impliquées dans les marchés de maintien en condition opérationnelle des forces, bénéficieront de contrats pluriannuels. Cette continuité économique consolide la base industrielle et technologique de défense et contribue à l’autonomie stratégique recherchée par le Congo dans le cadre de son Plan national de développement 2022-2026.

Intelligence sanitaire et cybersécurité des données

La réussite du programme dépendra de la maîtrise du renseignement épidémiologique. Le Service de renseignement extérieur et la Direction générale de la sécurité d’État travaillent à l’intégration d’un module de biosurveillance au sein de la plate-forme nationale de fusion des données. Objectif : repérer précocement tout signal faible – pic de fièvre hémorragique, mortalité animale anormale – et enclencher une riposte graduée.

Cette digitalisation appelle un renforcement de la cybersécurité. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information a déjà homologué un nuage souverain où seront stockées les informations sensibles. « La protection des données de santé n’est pas seulement une question éthique ; c’est une question de souveraineté », insiste son directeur, Michel Moundélé. Le volet formation du HeSP financera des cursus conjoints pour analystes cyber et épidémiologistes, créant une nouvelle filière de spécialisation prisée par les jeunes officiers.

Diplomatie de la santé et cohésion CEMAC

À l’échelle régionale, le programme offre un terreau fertile à la diplomatie congo-brazzavilloise. Les ministres de la Défense de la CEMAC ont programmé, pour le premier semestre 2026, un exercice de simulation baptisé « Bouclier Vital ». L’objectif est de tester la circulation transfrontalière de forces médicales, l’activation des couloirs aériens sécurisés et le partage d’intelligence sanitaire. Brazzaville, qui abrite le siège de l’Organisation mondiale de la Santé pour l’Afrique, entend jouer le rôle de plaque tournante des alertes précoces.

Cette coopération sanitaire s’ajoute aux initiatives de sécurité maritime dans le Golfe de Guinée et aux patrouilles mixtes aux frontières terrestres. Elle renforce la perception d’une communauté de destin sécuritaire au sein de la sous-région. Selon un diplomate centrafricain, « la solidarité face au risque biologique vaut autant qu’un bataillon mécanisé ». Pour les partenaires techniques et financiers, cette dynamique améliorera la traçabilité des fonds et maximisera l’effet de levier des 290 millions USD sur la stabilité régionale.

Résilience nationale et vision présidentielle

Le président Denis Sassou Nguesso a, dès 2020, fait de la résilience aux chocs majeurs un axe cardinal de la politique publique. Le financement de la Banque mondiale matérialise cette vision, en consolidant l’articulation entre sécurité humaine et sécurité nationale. Dans son allocution du 1ᵉʳ novembre, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso a assuré que « chaque franc investi dans la santé publique consolide notre capacité de défense ».

À terme, la montée en puissance des capacités de biosécurité réduira la dépendance aux interventions d’urgence externes, qu’elles soient militaires ou humanitaires. Elle favorisera également la projection des médecins des FAC dans les opérations de maintien de la paix, améliorant le rayonnement international du Congo. Les 290 millions USD constituent donc bien davantage qu’une manne budgétaire : ils inscrivent la République du Congo dans une dynamique globale où santé, développement et sécurité se renforcent mutuellement.

Partager cet Article