Alliance pétrolière Alger-Brazzaville et sûreté

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Coopération pétrolière algéro-congolaise

À la veille de la quarante-huitième session du Conseil des ministres de l’Organisation des pays africains producteurs de pétrole, le ministre algérien de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, a rencontré à Brazzaville son homologue congolais, Bruno Jean Richard Itoua, président en exercice de l’APPO. Cette entrevue bilatérale, tenue le 3 novembre 2025, a réaffirmé la volonté commune d’ancrer le partenariat énergétique entre Alger et Brazzaville dans une démarche de long terme, structurée et résolument tournée vers l’intérêt mutuel.

Au centre des discussions figurait la mise en œuvre du protocole d’accord signé en mai 2024 entre Sonatrach et la Société nationale des pétroles du Congo. Ce texte, qualifié de « pacte de développement intégré » par M. Arkab, couvre l’ensemble de la chaîne amont et aval : exploration conjointe de bassins on-shore et off-shore, co-financement de forages à haut potentiel, modernisation des capacités de raffinage de Pointe-Noire et partage de technologies pour la production de gaz naturel liquéfié.

Dimension stratégique pour la sécurité énergétique

Pour le Congo-Brazzaville, dont l’économie demeure exposée aux fluctuations des cours, cet accord offre une profondeur stratégique décisive. « La sécurité énergétique est, aujourd’hui, indissociable de la sécurité nationale », a rappelé le ministre Itoua, soulignant que la diversification des approvisionnements et la maîtrise technologique conditionnent la résilience de l’État. L’expertise algérienne dans la gestion des champs matures et dans l’optimisation des rendements permet d’espérer un accroissement régulier de la production, facteur de stabilité budgétaire et sociale.

Du côté algérien, l’alliance constitue un vecteur d’influence et un débouché supplémentaire pour ses ingénieries de services, tout en inscrivant Alger dans une logique de solidarité Sud-Sud promue par l’Union africaine. La mutualisation des stocks stratégiques et la perspective de pipelines régionaux, étudiées par les deux compagnies nationales, réduiront la vulnérabilité commune face aux chocs exogènes, notamment ceux provoqués par les tensions géopolitiques sur les détroits méditerranéens et les routes atlantiques.

Impacts sur la protection maritime du Golfe de Guinée

La dimension sécuritaire de l’accord ne se limite pas aux terminaux terrestres. L’ambition de développer le trafic de brut et de GNL depuis Pointe-Noire vers l’Algérie, puis vers la Méditerranée, accroît l’importance d’un Golfe de Guinée pacifié. Les états-majors congolais et algériens étudient déjà des protocoles de coopération pour l’escorte navale des tankers, l’échange d’informations ISPS et l’entraînement conjoint des gardes-côtes, afin de réduire le risque de piraterie et de pollution.

Selon une source du commandement congolais, un exercice naval baptisé « Nguya 2026 » est à l’étude ; il pourrait associer les marines camerounaise et gabonaise sous l’égide de la CEEAC. Au-delà de l’effet dissuasif, ces interactions renforceront les capacités de recherche et sauvetage ainsi que la maîtrise des flux illicites de carburants, dont le trafic finance parfois des réseaux criminels capables de menacer les installations offshore.

Transfert de savoir-faire et souveraineté industrielle

La coopération englobe un important volet de formation. Plusieurs dizaines d’ingénieurs de la SNPC suivent déjà, à Hassi Messaoud, des modules sur la sismique 4D et la stimulation chimique des puits. Dans le même temps, le Centre congolais de recherches pétrolières de Pointe-Noire prépare l’accueil de spécialistes algériens pour moderniser ses laboratoires. À terme, Brazzaville vise une autonomie partielle en analyses géochimiques et en maintenance prédictive des équipements de surface.

Ce transfert de compétences irrigue directement l’écosystème défense. Les technologies de monitoring en temps réel, initialement développées pour les champs gaziers sahariens, intéressent déjà la Direction générale de la sécurité du territoire pour la surveillance des sites sensibles. De même, l’imagerie hyperspectrale, cruciale pour la prospection, trouve des applications duales dans la cartographie des frontières terrestres et fluviales du pays, renforçant la posture de connaissance et d’anticipation stratégique.

L’APPO, plateforme de diplomatie sécuritaire africaine

En accueillant la session ministérielle de l’APPO, Brazzaville se positionne en médiateur continental sur les questions d’énergie et de sécurité collective. L’organisation, longtemps centrée sur les quotas de production, élargit désormais son agenda à la protection des infrastructures critiques et à la transition bas-carbone. Les délégations ont notamment planché sur la création d’un mécanisme d’assurance mutuelle contre les actes de sabotage, soutenu par la Banque africaine de développement.

Dans sa déclaration finale, Mohamed Arkab a insisté sur « la nécessité de solutions africaines à des défis africains ». Un discours accueilli favorablement par le président Denis Sassou Nguesso, qui voit dans cette dynamique un levier supplémentaire pour consolider la souveraineté économique du Congo et financer la modernisation de ses forces de défense, conformément aux orientations de la Loi de programmation militaire 2024-2028. L’alliance avec Alger apparaît ainsi comme un catalyseur de puissance, énergétique autant que sécuritaire.

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