Brazzaville-Türkiye : 102 ans et cap sur la défense

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Cérémonie diplomatique aux accents sécuritaires

Le 29 octobre 2025, au Radisson Blu de Brazzaville, la commémoration du 102e anniversaire de la République de Türkiye a pris la forme d’un cocktail dînatoire de haute tenue. L’ambassadeur Hilmi Ege Türemen, accompagné de son épouse, y accueillait une délégation congolaise conduite par Denis Christel Sassou-Nguesso, ministre de la Coopération internationale et de la Promotion du partenariat public-privé. À ses côtés figuraient Charles Richard Mondjo, ministre de la Défense, et le vice-amiral Jean-Dominique Okemba, secrétaire général du Conseil national de sécurité, signalant d’emblée la portée régalienne de l’évènement.

Ancrage historique d’une relation bilatérale consolidée

Rappelant que la Grande Assemblée nationale proclama la République le 29 octobre 1923 au sortir de la guerre d’indépendance, le diplomate turc a retracé le chemin parcouru depuis Mustafa Kemal Atatürk. Aujourd’hui, une Türkiye forte d’environ 90 millions d’habitants se distingue par sa stabilité politique, son essor économique et sa diplomatie tournée vers la paix. Pour Brazzaville, cette trajectoire singulière revêt une valeur démonstrative : il s’agit d’un modèle de résilience institutionnelle et de projection d’influence auquel le Congo-Brazzaville peut s’associer à travers une coopération militaire, industrielle et académique.

Une convergence stratégique sur les théâtres de crises

Membre de l’OTAN, du Conseil de l’Europe et des Nations unies, la Türkiye met en avant son rôle de médiation dans plusieurs foyers de tension. L’ambassadeur Türemen a salué le cessez-le-feu observé à Gaza, y voyant l’illustration de l’engagement d’Ankara pour une solution durable à deux États. Cette posture diplomatique résonne avec la doctrine congolaise de règlement pacifique des différends, notamment dans la sous-région CEMAC et le bassin du Congo. La présence au plus haut niveau des responsables congolais de la Défense atteste de l’intérêt porté à cette complémentarité, qu’il s’agisse de maintien de la paix ou d’initiatives de sécurité collective.

Le volet défense : échanges de doctrines et montée en compétence

Si la réception revêtait avant tout une dimension protocolaire, la composition de la délégation congolaise laisse entrevoir un agenda plus opérationnel. Charles Richard Mondjo a indiqué en marge de la cérémonie que « les armées des deux pays explorent des pistes de formation croisée et d’assistance technique, particulièrement dans les domaines de la sûreté maritime et de la logistique d’intervention ». Les entretiens bilatéraux antérieurs, tenus à Ankara lors de la visite du Premier ministre Anatole Collinet Makosso, auraient permis de dresser une cartographie des besoins congolais en matière d’équipements légers, de moyens ISR côtiers et de maintenance condition-based.

Formation académique : la jeunesse comme vecteur d’influence mutuelle

Parmi les convives figuraient de nombreux anciens étudiants congolais formés dans les universités turques. Le diplomate a souligné que cet échange humain constitue un pivot de la coopération ; il prépare la future élite scientifique et militaire congolaise à des standards compatibles avec ceux de l’OTAN tout en consolidant la compréhension interculturelle. Des officiers subalternes congolais participent déjà à des modules linguistiques et d’état-major en Türkiye, en attendant la conclusion d’un accord-cadre élargi qui intégrerait les spécialités cyberdéfense, lutte anti-drones et gestion des catastrophes naturelles.

Industrie de défense : potentialités de co-développement

L’industrie turque a conquis ces dernières années une reconnaissance internationale dans les segments des drones tactiques, des véhicules blindés et des systèmes de commandement-contrôle. Le marché congolais s’ouvre quant à lui aux solutions capables de renforcer la surveillance des frontières ainsi que la sécurité des corridors fluviaux et pétroliers. Denis Christel Sassou-Nguesso a rappelé que « la promotion du partenariat public-privé vise précisément à mobiliser des investisseurs fiables autour de projets capables de soutenir notre autonomie stratégique ». Les sociétés turques, réputées pour la flexibilité de leurs offres financières et la formation associée, pourraient être des partenaires de choix dans les programmes de modernisation des forces.

Coopération parlementaire et sécurité intérieure

Dans la dynamique du 65e anniversaire des relations diplomatiques, une délégation du groupe d’amitié parlementaire Congo-Türkiye se rendra bientôt à Ankara. Cette dimension législative est cruciale pour la sécurité intérieure : elle favorisera l’harmonisation des cadres juridiques en matière de lutte contre la criminalité transnationale, de contrôle des exportations sensibles et de cybersécurité. Le vice-amiral Okemba a insisté sur la « nécessité d’une architecture normative robuste pour accompagner l’implémentation des futurs accords techniques », gage de transparence et de pérennité pour les forces congolaises.

Cap sur l’avenir : des projets à haute valeur ajoutée

Clôturant son allocution, l’ambassadeur Türemen s’est déclaré « pleinement satisfait de la dynamique actuelle » et a exhorté les parties à multiplier les projets communs au bénéfice des deux peuples. Dans l’agenda prospectif figurent l’organisation d’exercices conjoints dans le Golfe de Guinée, l’implantation d’un centre de maintenance régional pour aéronefs légers et la mise en place d’un dialogue de sécurité maritime élargi aux autres États de la CEMAC. Ces perspectives confirment que la coopération turco-congolaise, tout en demeurant respectueuse de l’autonomie stratégique de chacun, se structure désormais autour d’un axe défense-sécurité capable de produire des externalités positives pour l’ensemble de l’Afrique centrale.

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