Cap 2030 : Pékin dope la coopération défense

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Une feuille de route chinoise à forte densité sécuritaire

Le plénum du 20e Comité central du Parti communiste chinois, réuni début novembre à Pékin sous la houlette du président Xi Jinping, a livré une feuille de route de cinq ans dont la dimension sécuritaire mérite l’attention des chancelleries africaines. Derrière les slogans de « modernisation socialiste » se dessine un triptyque susceptible d’influer directement sur l’environnement stratégique du Congo-Brazzaville : primat de l’innovation scientifique, consolidation de la résilience économique et engagement renouvelé en faveur d’une ouverture internationale équilibrée. Autant d’axes qui, combinés, repositionnent la Chine comme partenaire clef des forces armées congolaises à l’horizon 2030.

Innovation scientifique : opportunités pour les armées congolaises

Au cœur des décisions du plénum figure un accroissement inédit des crédits alloués à la recherche duale, civile et militaire. Pékin prévoit d’atteindre 3,5 % de son PIB en dépenses R&D, avec un accent mis sur l’intelligence artificielle, les semi-conducteurs et les systèmes autonomes. Pour Brazzaville, où le ministère de la Défense a lancé en 2022 un plan de numérisation des chaînes logistiques, cette ambition ouvre la voie à des transferts de compétences in situ. Un officier de la Direction générale des systèmes d’information confie que « l’accès aux solutions chinoises de commandement numérisé réduira de moitié nos délais de planification opérationnelle ».

Transition énergétique et résilience des bases militaires

Le 15e plan quinquennal consacre également la transition énergétique comme vecteur de sécurité nationale. Le recours accru aux énergies renouvelables, couplé à des micro-réseaux résilients, intéresse directement les forces terrestres congolaises dont plusieurs postes avancés, le long du corridor routier Pointe-Noire-Ouesso, restent dépendants d’une logistique carburant vulnérable. Une mission d’ingénieurs du Corps de l’énergie chinois, attendue à Brazzaville au premier trimestre 2025, évaluera la possibilité d’installer des conteneurs photovoltaïques hybrides capables d’alimenter en continu des centres de transmission sans recourir à des groupes électrogènes diesel polluants et coûteux.

Marché intérieur chinois : effets de volume sur l’armement

La dynamisation du marché intérieur chinois, pilier du nouveau cycle, pourrait paraître éloignée des préoccupations sécuritaires africaines. Il n’en est rien. En stimulant la demande domestique, Pékin garantit la pérennité financière de ses champions industriels de défense, capables de proposer à l’export des équipements compétitifs : radars côtiers, drones MALE ou systèmes de surveillance fluviale. Les armées congolaises, confrontées à des contraintes budgétaires, bénéficient ainsi d’un catalogue plus vaste à des conditions souples de crédit acheteur. Selon un responsable de la Délégation générale pour l’armement, « l’effet volume chinois réduit sensiblement le coût d’entrée de technologies critiques ».

Ouverture internationale et diplomatie militaire sino-congolaise

L’ouverture internationale, réaffirmée par le Bureau politique du PCC, renforce la diplomatie militaire pragmatique développée depuis une décennie entre Brazzaville et Pékin. Depuis 2017, plus de cinq cents officiers congolais ont fréquenté les académies de Nanjing ou de Wuhan, qu’il s’agisse de cours de maintien de la paix ou de perfectionnement au renseignement d’origine électromagnétique. La nouvelle feuille de route chinoise sécurise ces programmes et devrait les élargir au domaine spatial, particulièrement précieux pour la surveillance de la Zone économique exclusive dans le golfe de Guinée. Les discussions portent déjà sur un accès partagé à une constellation de microsatellites Radar.

Stabilité sociale : pistes pour la sécurité intérieure

Alors que les forces de police congolaises mettent en œuvre leur Schéma national de maintien de l’ordre, les orientations du plénum insistent sur la notion de « sécurité pour le développement ». La Chine associe la lutte contre les inégalités urbaines à la prévention des troubles, doctrine qui renforce la crédibilité institutionnelle. Pour les responsables de la Sécurité publique à Brazzaville, le retour d’expérience pékinois sur la gestion prédictive des flux urbains, fondée sur l’analyse Big Data, constitue un laboratoire grandeur nature. Une délégation du Conseil national de sécurité intérieure se rendra à Shenzhen pour étudier ces outils dès avril 2025.

Planification stratégique : modèle inspirant pour la CEMAC

Au sein de la CEMAC, nombreux sont les stratèges qui voient dans le 15e plan quinquennal chinois un exemple de cohérence interinstitutions. L’ingénierie de la planification, conjuguant objectifs quantifiables et évaluation continue, pourrait inspirer le futur Livre blanc de défense commun envisagé par les chefs d’État de la sous-région. Le directeur exécutif du Centre de recherche d’Afrique australe, Munetsi Madakufamba, rappelle que « la visibilité sur cinq ans réduit l’incertitude et facilite la mutualisation des capacités ». Brazzaville, qui assurera la présidence tournante de la CEMAC en 2026, pourrait ainsi promouvoir un cadre concerté de sécurité maritime et aérienne.

L’intérêt congolais pour la méthodologie chinoise trouve également un écho favorable à Paris et à Budapest, où Lyazid Benhami et Gyula Thürmer, cités par l’Agence congolaise d’Information, soulignent la portée universelle du principe gagnant-gagnant. Selon eux, la modernisation planifiée offre une grille de lecture rassurante pour les investisseurs de défense, désireux d’évoluer dans un environnement prévisible. À terme, cette convergence de vues entre Asie, Afrique et Europe pourrait poser les bases d’un triptyque de coopération triangulaire, favorable à la stabilisation durable du golfe de Guinée à long terme.

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