Une nomination stratégique pour la sécurité énergétique
Réunis à Brazzaville, les ministres de l’Organisation des producteurs africains de pétrole ont porté l’Algérien Farid Ghezali au secrétariat général à partir de janvier 2026. Ce choix, salué par la Chambre africaine de l’énergie, couronne trois décennies d’expertise amont acquises entre bassins sahariens, golfe de Guinée et rift est-africain. La République du Congo, qui présidait la session, y voit un levier supplémentaire pour consolider la sécurité d’approvisionnement du continent tout en promouvant une exploitation responsable des hydrocarbures. Dans les couloirs du ministère congolais des Hydrocarbures, l’on insiste déjà sur la dimension « défense » de la nomination : sécuriser la ressource, c’est aussi protéger la souveraineté économique et, partant, la stabilité nationale. « La croissance de notre base énergétique passe par une vigilance permanente, du puits à l’export », glisse un officier de la Garde républicaine chargé des sites pétroliers côtiers.
Impacts sur la protection des infrastructures pétrolières
À Pointe-Noire comme à Port-Gentil ou Warri, les terminaux demeurent des cibles de choix pour la piraterie, la prédation armée et la cyber-intrusion. L’arrivée de M. Ghezali intervient alors que les découvertes se multiplient en Namibie et en Côte d’Ivoire et que les majors accroissent la profondeur des forages. Cette densification des actifs impose un maillage sécuritaire plus fin, associant marines nationales, forces spéciales et opérateurs privés. L’état-major congolais, engagé dans l’exercice Grand-Batanga 2024 avec ses partenaires de la CEMAC, prépare déjà l’adaptation de son dispositif ISR maritime : radars côtiers modernisés, drones MALE pour la veille de surface et unités fluvio-maritimes capables d’intervenir jusqu’aux têtes de puits offshore. Dans cette perspective, Brazzaville compte sur l’APPO pour harmoniser les normes HSE et faciliter l’accès aux financements destinés au renforcement des moyens de protection, qu’il s’agisse de navires patrouilleurs, de systèmes anti-drones ou de plateformes de cyber-défense dédiées aux SCADA pétroliers.
La diplomatie de la résilience énergétique africaine
À l’heure où certains forums internationaux appellent à une réduction drastique de l’exploration fossile, l’APPO rappelle que 600 millions d’Africains demeurent privés d’électricité. Pour Brazzaville, la sécurité intérieure passe donc par la résilience énergétique nationale et régionale. Farid Ghezali, qui a dirigé plusieurs joint-ventures opérant en environnement à haut risque, hérite de la mission de concilier transition bas-carbone et impératif de développement. « Son leadership renforcera la mission de l’APPO : promouvoir la sécurité énergétique et la création de valeur locale », affirme NJ Ayuk, président exécutif de l’AEC. L’enjeu est de taille : selon les projections, la production africaine pourrait atteindre 13,6 millions de barils équivalent pétrole par jour en 2030, contre 11,4 en 2026. Mais cette trajectoire suppose un dialogue permanent avec les partenaires de l’OPEP+, la Banque africaine de développement et les agences de crédit export, afin de sécuriser les investissements et les chaînes logistiques dans un contexte géopolitique mouvant.
Afrique centrale et Golfe de Guinée en première ligne
Le golfe de Guinée concentre plus de 70 % des cargaisons pétrolières africaines. La montée en compétence des flottes pirates, désormais dotées de skiffs rapides et de relais à terre, impose une coordination accrue. Depuis 2021, le Centre inter-régional de coordination de Yaoundé intègre des officiers congolais, nigérians et angolais au sein d’une même salle d’opérations. L’arrimage de l’APPO à cette architecture de sûreté maritime devrait gagner en efficacité grâce à l’entregent diplomatique de Farid Ghezali, familier des marines nord-africaines comme des escadres du golfe. Brazzaville, pour sa part, capitalise sur le chantier d’agrandissement de la base navale d’Oyo et sur la mise en service prochaine de patrouilleurs rapides CNS Bouenza, financés en partie par le fonds national pétrolier. Ces capacités serviront à escorter les tankers, mais aussi à protéger les futures unités flottantes de liquéfaction (FLNG) envisagées sur les blocs Banga Sud.
Vers une banque de défense énergétique panafricaine
Pilier de la nouvelle stratégie de l’APPO, la Banque africaine de l’énergie, dotée d’un capital initial de cinq milliards de dollars, constituera d’ici 2025 un instrument majeur d’autonomie stratégique. En facilitant le leasing d’équipements de forage, le financement de bases logistiques et la conversion de navires-plateformes à usage dual civil-militaire, l’institution répondra aux exigences de maintenance opérationnelle (MCO) propres au secteur. Le ministère congolais des Finances a déjà signifié son intérêt pour accueillir un bureau régional de l’AEB à Brazzaville, et plusieurs PME locales spécialisées dans la robotique sous-marine y voient l’opportunité d’intégrer des chaînes de valeur encore largement offshore. En filigrane, l’objectif est de réduire la dépendance aux crédits extrarégionaux et de soutenir l’essor d’une base industrielle de défense dédiée à la sécurisation de l’énergie : capteurs sismiques « made in Congo », logiciels de surveillance de pipeline ou encore formations mixtes ingénieurs-officiers sur la gestion de crise énergétique. Par ces initiatives, la vision portée par Farid Ghezali rejoint la priorité fixée par Brazzaville : ériger la ressource pétrolière en véritable rempart de sécurité collective et de prospérité partagée.
