Un signal fort pour la diplomatie de défense africaine
La signature, à Addis-Abeba, d’un mémorandum d’entente bilatéral entre la ministre éthiopienne de la Défense, l’ingénieure Aisha Mohammed, et son homologue congolais, le lieutenant-général Charles Richard Monjo, marque une inflexion significative de la coopération Sud-Sud dans le domaine sécuritaire. Porté par un contexte international fragmenté, l’accord confirme la volonté des deux capitales de mutualiser leurs leviers militaires afin de contenir la criminalité transfrontalière, la piraterie et la menace terroriste qui s’étendent du Golfe de Guinée à la Corne de l’Afrique. « Nos armées partagent l’impératif d’une réponse coordonnée aux défis du XXIᵉ siècle », a résumé la ministre Aisha, saluant la constance congolaise dans les fora de l’Union africaine.
- Un signal fort pour la diplomatie de défense africaine
- Un protocole d’entente aux dimensions industrielles et opérationnelles
- Maintenance des armements : un enjeu de MCO partagé
- Formation et maintien de la paix : renforcer l’empreinte congolaise
- Perspectives géostratégiques pour la CEMAC et la Corne de l’Afrique
- Une coopération appelée à se déployer rapidement
Un protocole d’entente aux dimensions industrielles et opérationnelles
L’accord s’articule autour de quatre axes principaux : production industrielle de défense, maintenance des armements, éducation et entraînement, enfin opérations de maintien de la paix. Cette structuration illustre la complémentarité des deux pays. L’Éthiopie dispose d’un tissu industriel en plein essor, capable de produire munitions légères et pièces de blindés ; Brazzaville, pour sa part, ambitionne de consolider son autonomie logistique dans la perspective de la future loi de programmation militaire. Concrètement, les ateliers de Bishoftu pourraient accueillir des techniciens congolais pour des stages d’usinage, tandis que la Base industrielle et technologique de défense de Loudima bénéficierait du transfert de procédés d’assemblage. Les états-majors ont déjà validé la création d’un comité mixte chargé de suivre les jalons techniques au semestre.
Maintenance des armements : un enjeu de MCO partagé
La question du Maintien en condition opérationnelle demeure cruciale pour des forces armées engagées dans des théâtres aux environnements climatiques éprouvants. Selon une source d’état-major à Brazzaville, près de 30 % du parc de véhicules blindés nécessite, chaque année, une révision lourde. L’accès aux chaînes de rechange éthiopiennes réduira les délais, tout en abaissant le coût unitaire de maintenance. En retour, le Service logistique congolais mettra à disposition son expertise fluviale pour le soutien des unités éthiopiennes déployées au Soudan du Sud dans le cadre de la MINUSS. Les deux ministres estiment qu’une économie de 12 % sur les dépenses MCO pourrait être atteinte dès le second exercice budgétaire.
Formation et maintien de la paix : renforcer l’empreinte congolaise
Le volet formation prévoit l’accueil, dès la prochaine rentrée académique, de cadets congolais à l’Académie de défense d’Harar. Le cursus intégrera la cyberdéfense, discipline que Brazzaville souhaite institutionnaliser pour protéger ses infrastructures critiques énergétiques. Parallèlement, l’École d’application du génie de Mindouli recevra des officiers ingénieurs éthiopiens pour des modules sur les ponts flottants, capacité décisive lors des opérations de soutien aux populations riveraines du fleuve Congo. Au registre des opérations extérieures, Addis-Abeba s’engage à partager ses retours d’expérience du théâtre somalien, tandis que les bataillons congolais déployés en Centrafrique offriront un cadre d’entraînement grandeur nature aux observateurs éthiopiens. Le général Monjo y voit « une dynamique gagnant-gagnant qui amplifie la contribution de l’Afrique centrale aux missions onusiennes ».
Perspectives géostratégiques pour la CEMAC et la Corne de l’Afrique
Au-delà de l’ingénierie militaire, le protocole envoie un message politique de convergence continentale. Pour la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale, dont le Congo est un pilier, l’accès à l’expertise éthiopienne favorise la montée en gamme des capacités de réaction collective. De son côté, Addis-Abeba consolide un axe ouest-est susceptible de fluidifier les corridors logistiques vers Port-Gentil et Pointe-Noire, atouts majeurs pour l’exportation de produits stratégiques. Les analystes soulignent enfin que la densification des échanges de renseignement, prévue à l’article 7 du MoU, pourrait entraver la mobilité des réseaux criminels opérant entre le Sahel et l’océan Indien. L’échéance majeure demeure la première réunion du groupe de travail bilatéral, programmée à Brazzaville, où une visite officielle de la ministre Aisha Mohammed est déjà envisagée.
Une coopération appelée à se déployer rapidement
La publication prochaine des décrets d’application ouvrira la phase de matérialisation : désignation des officiers de liaison permanents, validation des tableaux de dotation et lancement des marchés conjoints. À horizon trois ans, les décideurs congolais espèrent doubler le taux de disponibilité des matériels terrestres et initier une ligne d’assemblage de drones tactiques à usage de surveillance forestière et portuaire. L’accord Congo-Éthiopie témoigne de la capacité du continent à proposer ses propres solutions sécuritaires, dans une démarche conforme aux orientations du président Denis Sassou Nguesso en matière de souveraineté et de diversification des partenariats. Il reste désormais à transformer cette feuille de route en résultats tangibles sur le terrain, gage d’une stabilité accrue pour les deux nations et, par ricochet, pour l’ensemble de l’espace africain.
