Anac 2026 : 9,2 milliards pour un ciel sécurisé

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Orientation stratégique de l’aviation civile congolaise

Réuni à Brazzaville le 12 décembre sous la présidence de Ferdinand Sosthène Likouka, le comité de direction de l’Agence nationale de l’aviation civile (Anac) a validé un budget 2026 s’élevant à 9 244 260 500 F CFA. Au-delà de la simple allocation financière, la décision porte la marque d’une ambition stratégique : garantir que l’espace aérien de la République du Congo demeure sûr, fluide et pleinement maîtrisé par les autorités nationales. Dans un contexte où le golfe de Guinée connaît une intensification des trafics illicites et des phénomènes de mobilité aérienne non coopérative, le renforcement des moyens de l’Anac s’inscrit dans la doctrine nationale de ciel souverain promue par le président Denis Sassou Nguesso.

Par l’actualisation de sa feuille de route, l’Agence rappelle que la sûreté du transport civil ne peut être dissociée des enjeux de défense. La capacité de détecter, d’identifier et de filtrer tout mouvement aérien devient une composante essentielle de la posture de sécurité intérieure, au même titre que la surveillance côtière ou le contrôle des frontières terrestres.

Un budget 2026 à 9,2 milliards CFA : détails et priorités

Le document financier, arrêté en recettes à 9 244 260 500 F CFA et en dépenses à 9 237 336 000 F CFA, dégage une marge de manœuvre permettant d’amorcer plusieurs chantiers critiques. D’abord, la modernisation des aides à la navigation constitue la priorité affichée. Le remplacement des balises VOR vieillissantes, la densification du réseau ADS-B et l’acquisition de radars tridimensionnels d’approche doivent renforcer l’interopérabilité avec les systèmes de la Force aérienne congolaise. Les investissements cibleront également les centres de contrôle régional afin de réduire le temps de coordination en cas d’alerte et d’accélérer la diffusion d’informations de mission auprès des équipages militaires engagés dans la défense aérienne.

Ensuite, l’Anac consacre une enveloppe dédiée à la cybersécurité de ses infrastructures critiques. Les récents incidents constatés dans plusieurs pays d’Afrique centrale ont démontré la vulnérabilité des bases de données de plan de vol. La création d’une cellule de réponse aux incidents, adossée à la Direction générale de la sécurité des systèmes d’information de l’État, figure donc parmi les lignes budgétaires innovantes. Enfin, le plan 2026 intègre un volet formation visant à résorber le déficit de contrôleurs, de techniciens météo et d’agents de la circulation aérienne, identifié lors de la session du 2 décembre 2024.

Synergies entre aviation civile et Forces aériennes congolaises

Le renforcement de l’Agence n’est pas un acte isolé. Depuis l’adoption de la Loi de programmation militaire et de sécurité intérieure 2024-2029, le ministère des Transports et celui de la Défense poursuivent une approche de guichet unique pour la surveillance permanente du ciel. Le général Jean-Philippe Ondongo, chef d’état-major de l’Armée de l’air, observe que « l’optimisation des radars civils financés par l’Anac constitue un multiplicateur d’effets pour la police du ciel : au lieu d’acquérir deux systèmes parallèles, le Congo investit dans une architecture partagée qui réduit le coût et augmente la couverture ».

Dans la pratique, la création d’une passerelle de données en temps réel entre le Centre de contrôle d’approche de Maya-Maya et le Centre de coordination de défense aérienne permettra d’identifier plus rapidement tout vol irrégulier. Cette mutualisation offre également une économie substantielle sur le budget carburant des avions d’alerte puisque la durée d’interception sera réduite. L’initiative illustre la maturité croissante du modèle de coopération civilo-militaire congolais, souvent cité en exemple par les partenaires de la CEMAC.

Renforcement des compétences techniques et souveraineté numérique

La question du capital humain figure au cœur des recommandations adoptées par le comité. Plusieurs agents totalisant trois contrats à durée déterminée verront leur titularisation accélérée afin de garantir la stabilité des effectifs critiques. Parallèlement, l’Agence prévoit l’envoi de nouveaux ingénieurs en formation avancée au Centre africain d’études en sûreté de l’aviation, installé à Dakar, et la signature d’un accord avec l’Institut national polytechnique de Brazzaville pour la filière de maintenance avionique.

Dans le domaine numérique, le chiffrement des communications air-sol sera progressivement migré vers des protocoles conformes à la norme OTAR 200, de manière à protéger les échanges d’instructions entre les tours de contrôle et les équipages. Cette évolution participe à la souveraineté technologique recherchée par le gouvernement, qui souhaite réduire la dépendance à des fournisseurs étrangers en matière de systèmes critiques.

Gouvernance rénovée et responsabilité institutionnelle

L’entrée en vigueur du décret n°2025-369 du 3 novembre 2025 introduit un changement de gouvernance majeur : l’Anac sera désormais administrée par un conseil d’administration et non plus par un seul comité de direction. Cette bascule répond aux standards de bonne gouvernance préconisés par l’Organisation de l’aviation civile internationale, tout en accordant aux autorités nationales un levier supplémentaire de supervision. Ferdinand Sosthène Likouka, directeur de cabinet du ministre des Transports, l’a rappelé à l’ouverture de la session : « la transition doit être harmonieuse, rigoureuse et exemplaire ».

Concrètement, la nouvelle direction générale devra présenter, chaque trimestre, un rapport d’avancement sur l’exécution budgétaire, la mise en œuvre des recommandations non encore satisfaites et l’état d’avancement des projets de modernisation. Cette culture du reporting s’inscrit dans l’effort global de transparence prôné par le gouvernement, afin de consolider la confiance des partenaires techniques et financiers. Les observateurs notent que cette pratique renforce également la crédibilité internationale du Congo lorsqu’il négocie des droits de trafic ou des accords de sûreté bilatéraux.

En dotant l’Anac d’un schéma budgétaire ambitieux mais réaliste, le pouvoir exécutif réaffirme ainsi que la sécurisation du ciel congolais constitue un pilier incontournable de la souveraineté nationale. La trajectoire 2026 confirme que la République du Congo investit dans une aviation civile performante, qui sert simultanément la mobilité économique, la prévention des risques et la posture stratégique de défense.

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