Élection 2026 : Brazzaville déploie son bouclier

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Un scrutin sous haute vigilance sécuritaire

À Brazzaville, le calendrier politique s’accélère déjà vers mars 2026. La conférence initiale de planification, tenue du 15 au 16 décembre 2025 sous l’autorité du chef d’état-major général des Forces armées congolaises, le général de division Guy Blanchard Okoï, a posé les fondations d’un dispositif sécuritaire d’envergure. Le ton est donné : « La quiétude des populations ne souffrira aucune approximation », a insisté le général devant un auditoire mêlant officiers d’active, hauts cadres de la police et représentants du ministère de l’Administration du territoire. Dans un environnement régional où les processus électoraux font souvent l’objet de pressions de toutes natures, la République du Congo entend projeter une image de stabilité mature, reflet d’une gouvernance résolument tournée vers la paix civile et la continuité institutionnelle.

Anticipation stratégique au cœur de la planification

Pilier méthodologique de cette dynamique, le Groupe d’anticipation stratégique (GAS) a été chargé de livrer une analyse croisée des menaces, tant externes qu’internes, susceptibles d’entraver la bonne tenue du scrutin. Les travaux ont d’abord dressé un diagnostic fin de la situation sécuritaire internationale, afin de prévenir toute importation de vulnérabilités liées, par exemple, aux réseaux transnationaux de désinformation ou aux flux criminels dans le Golfe de Guinée. « La préparation d’une élection ne s’improvise pas ; elle s’anticipe », rappelle le général de brigade François Ossélé, directeur des opérations de l’état-major général et coordonnateur du groupe pluridisciplinaire de planification opérationnelle. Sont ainsi passés au crible la cartographie des menaces cyber, la veille sur les frontières terrestres et fluviales, ainsi que la protection des infrastructures critiques – canaux de télécommunication, entrepôts d’urnes et parcs de véhicules.

Maillage territorial et redécoupage administratif

L’un des défis majeurs réside dans l’ajustement du dispositif de sécurité au nouveau découpage administratif. Depuis la création de communes urbaines et rurales supplémentaires, la répartition des centres de vote s’est densifiée, imposant une révision du maillage des forces. Le tableau de cadrage en cours d’élaboration liste déjà plusieurs centaines de bureaux de vote anticipé pour les militaires et les policiers appelés à tenir leur rang le jour du scrutin général. Chaque zone fait l’objet d’une évaluation capacitaire : effectifs disponibles, moyens de mobilité terrestre et fluviale, capacités ISR légères. Option privilégiée, la mutualisation des détachements mobiles permettra de couvrir les poches les plus éloignées tout en laissant les grandes garnisons jouer un rôle d’appui logistique.

Leçons tirées du retour d’expérience 2021

Le dispositif projeté s’appuie sur l’ensemble des enseignements tirés du scrutin de mars 2021. Les comptes rendus d’après-action, minutieusement relus par les planificateurs, ont souligné l’importance de la coordination temps réel entre forces armées, gendarmerie et police, via un centre unique de commandement. La question de la circulation de l’information vers les médias et les observateurs internationaux a également fait l’objet d’une attention particulière : fluidité, véracité et sérénité restent les maîtres-mots pour prévenir toute rumeur anxiogène. « Nous avons pu mesurer à quel point une communication cohérente désamorce la tension avant qu’elle ne se cristallise », confie un officier de la division Communication opérationnelle. À travers cet effort de transparence, les autorités consolident la confiance des partenaires multilatéraux et maintiennent l’opinion publique dans un climat de sérénité.

Sobriété budgétaire et agilité logistique

Le contexte économique demeure contraint, ce que ne masque pas l’état-major. La directive présidentielle – « faire beaucoup avec peu » – s’est traduite par une optimisation des moyens roulants, la mise en commun des stocks de carburant et l’adoption de solutions numériques pour la gestion des effectifs. Ainsi, la numérisation des feuilles de route et la géolocalisation des patrouilles permettent de réduire les consommations d’impression et de carburant de près de 15 %, selon une première estimation interne. Cette efficience financière libère des marges pour l’acquisition ciblée de drones d’observation courte portée, adaptés à la surveillance péri-urbaine. Dans la même logique, les quatre hubs logistiques stratégiques – Pointe-Noire, Brazzaville, Owando et Dolisie – seront interconnectés par un système de convoi mixte rail-route afin de garantir l’acheminement des urnes même en cas de forte pluviométrie.

Synergie inter-agences et posture régionale

Parce qu’aucun scrutin ne se déroule en vase clos, la Force publique renforce ses liens avec les services de renseignement intérieure et extérieure, mais aussi avec les partenaires de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale. Des échanges d’alertes pré-cours sont prévus avec les centres de fusion de renseignements du Cameroun et du Gabon, notamment sur les mouvements transfrontaliers suspects. L’idée n’est pas d’internationaliser la sécurisation du vote, mais de bâtir une veille commune contre les trafics de petites armes ou les ingérences informationnelles. À cet égard, les officiers congolais soulignent que la stabilité du Congo-Brazzaville contribue au rayonnement de toute la zone CEMAC, donnant corps au principe de sécurité collective défendu par les chefs d’État de la sous-région.

Image des forces et confiance citoyenne

Au-delà du maillage opérationnel, la réussite du dispositif repose sur la perception de neutralité et de professionnalisme des forces déployées. Dans les mois à venir, des séances de formation axées sur le respect des droits fondamentaux, la médiation de proximité et la maîtrise graduée de la force seront dispensées aux compagnies destinées à encadrer les bureaux de vote. L’objectif est double : prévenir tout incident et consolider la confiance des électeurs, condition sine qua non d’un taux de participation élevé. Comme le résume un haut fonctionnaire du ministère de l’Intérieur, « sécuriser, c’est aussi rassurer ». Une maxime qui trouve écho dans la doctrine militaire actuelle, orientée vers la protection du citoyen en tant que premier capital stratégique de la Nation.

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