Une évaluation 2025 sous le sceau de la rigueur
Dans la salle du poste de commandement de la Zone militaire de défense n° 9, la solennité était palpable. Face aux commandants organiques, aux chefs de zones et à plusieurs invités institutionnels, le général de division Guy-Blanchard Okoi a ouvert, le 17 décembre, la conférence annuelle d’évaluation des activités des Forces armées congolaises (FAC). Le ton a été directement donné : « Une armée qui ne s’évalue pas se condamne à l’obsolescence », a-t-il rappelé. L’exercice, exigeant, visait d’abord à mesurer, sans complaisance, l’exécution du plan de travail 2025 dans un environnement resté contraint par la pression sécuritaire régionale et la volatilité budgétaire.
Le général de brigade François Ossélé, directeur des opérations de l’État-major général, a détaillé la méthodologie : analyse croisée des indicateurs de disponibilité opérationnelle, examens des retours d’expérience des déploiements extérieurs et audit des chaînes logistiques. À l’issue, plusieurs indicateurs sont ressortis positifs, notamment le taux de projection des unités d’infanterie motorisée et la montée en puissance du groupement de soutien aérien. Des points perfectibles demeurent, tels que l’allongement des cycles de maintenance navale sur l’axe Pointe-Noire-Loango.
La culture de la performance au cœur de la gouvernance militaire
Au-delà des chiffres, la conférence a réaffirmé une culture de la performance qu’encourage le ministère de la Défense. Dès septembre dernier, le ministre avait notifié, dans une communication de cadrage, plusieurs chantiers administratifs et structurels appelant des « solutions pérennes ». Les responsables présents à Brazzaville ont ainsi réitéré leur engagement envers les réformes relatives à la gestion intégrée des ressources humaines, à la rationalisation de la cartographie des infrastructures et à la dématérialisation des procédures d’acquisition.
Cette gouvernance rénovée s’appuie sur le groupe d’anticipation stratégique, piloté par le général Okoi, qui associe désormais économistes, ingénieurs et officiers de renseignement à la planification. Elle confère aux FAC une agilité décisionnelle en phase avec les normes contemporaines. « La planification n’est plus l’affaire exclusive de l’état-major ; elle irrigue l’ensemble de l’appareil de défense », confiait un colonel-conseiller, soulignant l’importance de la transversalité dans l’élaboration des scénarios d’alerte.
Objectifs 2026 : territorialité résiliente et paix consolidée
L’année 2026 se profile comme un jalon politico-stratégique majeur pour le Congo-Brazzaville, incluant plusieurs échéances nationales et régionales. Les participants à la conférence ont donc adopté une feuille de route axée sur deux priorités indissociables : la défense active de la souveraineté territoriale et le renforcement du climat de paix intérieure. Concrètement, l’accent sera mis sur la densification des forces prépositionnées aux frontières septentrionales, la sécurisation des couloirs fluviaux et la garantie de la liberté de navigation dans le segment congolais du fleuve Congo.
Le concept de « défense proactive » développé par l’état-major fait appel à un maillage territorial plus fin, soutenu par une doctrine de mobilité accrue. Les bataillons d’intervention légère recevront des véhicules blindés 4×4 de nouvelle génération, tandis que les compagnies fluviales seront équipées de patrouilleurs rapides adaptés aux eaux intérieures. Parallèlement, la gendarmerie nationale verra ses capacités de police judiciaire renforcées, consolidant le continuum défense-sécurité indispensable à la résilience nationale.
Synergies inter-agences et projection régionale
Les défis sécuritaires transcendent aujourd’hui les frontières administratives. Conscients de cette réalité, les chefs militaires ont consacré une session entière à la coordination inter-agences. L’objectif est de fluidifier le partage d’information entre services de renseignement intérieur, forces de police et opérateurs civils critiques, à commencer par les plateformes pétro-gaz et les ports du golfe de Guinée. L’activation de cellules de liaison permanentes au sein du Centre national de commandement, annoncée pour le premier semestre 2026, constituera une avancée structurante.
Sur le plan externe, le Congo entend demeurer un acteur fiable des initiatives de sécurité collective. L’état-major a confirmé la disponibilité d’un bataillon logistique pour les opérations de soutien à la paix de l’Union africaine et la participation d’un détachement de forces spéciales à l’exercice multinational Obangame Express, focalisé sur la sûreté maritime. Ces engagements projectent le savoir-faire congolais et nourrissent des partenariats capacitaires, notamment avec le Cameroun et le Gabon dans le cadre de la CEMAC.
Modernisation capacitaire et relance de la base industrielle
La réussite des ambitions 2026 repose enfin sur une équation matérielle et financière maîtrisée. Les travaux de Brazzaville ont entériné un calendrier d’acquisitions graduelles, privilégiant la cohérence système. Sont ainsi prévus la contractualisation d’un second avion de transport tactique, le lancement d’un programme drone ISR binationale avec une PME locale incubée à Oyo, et la réhabilitation des ateliers centraux de maintenance terrestre. Le tout s’inscrit dans une logique d’optimisation budgétaire établie par la loi de programmation militaire 2023-2028.
Les responsables ont également souligné la nécessité de consolider la base industrielle de défense nationale. Des partenariats public-privé seront encouragés pour valoriser l’expertise locale en mécatronique et en électronique embarquée. Selon le général Ossélé, « l’autonomie stratégique commence dans l’atelier ». Cette orientation devrait réduire la dépendance aux importations et renforcer la souveraineté technologique, tout en créant des emplois qualifiés et en diffusant une culture de maintenance préventive dans l’ensemble de la force publique.
