Sécurité énergétique et diplomatie de la puissance
La signature par le Botswana d’un protocole d’accord de 5,5 milliards de dollars avec Ulsan Holding et ses partenaires dépasse largement le seul registre économique. En réhabilitant les centrales thermiques A et B de Morupule et en érigeant 1,5 gigawatt de nouvelles capacités solaires et à charbon propre, Gaborone se dote d’un socle d’indépendance électrique apte à garantir la continuité des services publics, l’essor industriel et la stabilité sociale – autant de paramètres qui conditionnent la résilience d’un État face aux menaces hybrides contemporaines. L’insertion programmée de ces capacités dans le Southern African Power Pool matérialise, en outre, une diplomatie de la puissance douce : exporter des mégawatts, c’est aussi diffuser de l’influence et accroître la valeur stratégique des interconnexions régionales.
- Sécurité énergétique et diplomatie de la puissance
- Une envergure turque qui s’étend jusqu’à Pointe-Noire
- Réhabiliter le rail, sécuriser le territoire
- Acier congolais: socle d’une base industrielle souveraine
- Un partenariat technologique à haute valeur sécuritaire
- Énergie propre et résilience opérationnelle
- Vers une autonomie stratégique renforcée
Une envergure turque qui s’étend jusqu’à Pointe-Noire
Parallèlement, Ulsan Holding fait converger vers le Congo-Brazzaville l’essentiel de ses investissements africains pour la période 2025-2026, soit 240 millions de dollars. À Mayoko, dans le département du Niari, le groupe conduit un projet de fer dont la production initiale de 3 millions de tonnes par an – portée à 5 millions dès la troisième année – alimentera le marché continental en minerais à haute teneur. La dimension sécuritaire de ce chantier est immédiate : le renforcement du maillage ferro-portuaire entre Mayoko et Pointe-Noire participe à la liberté de mouvement des Forces armées congolaises, offre un couloir logistique supplémentaire pour le ravitaillement des troupes déployées sur la façade atlantique et accroît la profondeur stratégique du dispositif naval stationné dans la zone.
Réhabiliter le rail, sécuriser le territoire
La remise en état des 465 kilomètres de voie ferrée, placée sous maîtrise d’œuvre d’Ulsan et du groupe Albayrak, réduit la vulnérabilité structurelle d’un axe logistique vital jusqu’alors contraint par les aléas routiers. Pour les autorités de Brazzaville, l’ouvrage constitue un multiplicateur de forces : une voie ferrée fiable écourte les délais de projection des unités de soutien, fluidifie le transport du carburant stratégique et contribue, in fine, à la sécurité intérieure par la réduction des trafics illicites qui prospéraient dans les zones enclavées. Des patrouilles mixtes gendarmerie-sécurité ferroviaire, appuyées par des drones de surveillance fournis par Ulsan, sont déjà envisagées pour prévenir les actes de sabotage et protéger les convois de minerais, mais aussi les populations riveraines.
Acier congolais: socle d’une base industrielle souveraine
Le protocole en discussion pour l’implantation d’une aciérie intégrée – pellets, DRI et acier long – dans une zone industrielle spéciale du littoral ouvre des perspectives inédites pour la base industrielle et technologique de défense congolaise. À moyen terme, disposer d’un acier produit localement permettra de réduire les dépendances critiques dans la maintenance lourde des moyens terrestres, la construction navale et la modernisation des infrastructures stratégiques. Les centres de maintenance conditionnelle (MCO) des Forces armées, mais aussi les chantiers de la police maritime et de la protection civile, trouveront dans cet acier une source d’approvisionnement stable et compétitive. Cette autonomie matérielle, inscrite dans la Stratégie nationale de défense 2022-2026, renforce la posture de dissuasion et crédibilise les ambitions d’exportation d’équipements fabriqués sur place vers la CEMAC.
Un partenariat technologique à haute valeur sécuritaire
Conglomérat multisectoriel fondé en 1999, Ulsan Holding fait de la défense – explosifs, munitions, drones, systèmes de surveillance – l’ossature de son savoir-faire. Brazzaville cherche à tirer parti de cette expertise au-delà du volet minier. Selon une source proche du ministère des Industries militaires, des discussions portent sur l’installation d’un centre de formation commun aux opérateurs de drones de l’armée de l’air et à ceux des sociétés publiques chargées de surveiller les pipelines et les parcs solaires. De tels ponts civilo-militaires assurent une mutualisation des coûts et un accroissement rapide des compétences, indispensable pour surveiller un réseau énergétique national en expansion et pour prévenir les intrusions dans la zone économique exclusive du Golfe de Guinée.
Énergie propre et résilience opérationnelle
La centrale de 120 MW que projette Ulsan pour alimenter son complexe sidérurgique constitue un appoint bienvenu pour le réseau national, en particulier pour le corridor Pointe-Noire–Brazzaville, où se concentrent installations pétrolières, bases navales et centres de commandement. Les armées savent qu’une tension sur l’électricité peut paralyser toute la chaîne de commandement, du centre de transmissions jusqu’aux radars côtiers. En insérant sa capacité dans le réseau, l’industriel contribue à l’objectif gouvernemental de 85 % de taux d’électrification à l’horizon 2030 et améliore la possibilité de délestages stratégiques au profit d’installations critiques lors de crises majeures.
Vers une autonomie stratégique renforcée
En agrégeant énergie, transport, sidérurgie et technologies duales, le partenariat noué avec Ulsan Holding traduit la volonté du Congo-Brazzaville de consolider sa souveraineté matérielle sans renoncer à l’ouverture économique. Les flux financiers et les transferts de compétences restent sous contrôle national, tandis que la diplomatie économique crée des interdépendances qui stabilisent la relation bilatérale. Pour la communauté de défense comme pour les décideurs politiques, l’enjeu n’est plus seulement de capter de nouveaux investisseurs, mais de les arrimer aux impératifs de sécurité intérieure, de maîtrise du territoire et de projection régionale. À cet égard, le « pari sécurisé » d’Ulsan marque une étape structurante sur la voie d’une autonomie stratégique africaine, réaliste et coopérative, dans laquelle Brazzaville occupe désormais une place cardinale.
