Leclerc, mythe fondateur de la culture opérationnelle congolaise
Le 27 novembre 2025, la place d’armes de l’École militaire préparatoire général Leclerc a retrouvé le faste des grandes cérémonies. Sous un soleil radial, les drapeaux se sont inclinés en mémoire de Philippe Leclerc de Hauteclocque, stratège intrépide qui, des sables d’Afrique aux boulevards de Paris libérée, incarna la manœuvre blindée moderne. Pour l’institution congolaise, l’homme n’est pas seulement une référence historique ; il est l’archétype du chef audacieux, capable de conjuguer sens politique et efficacité tactique. Sa devise – « Ne jamais subir » – irrigue encore la formation des cadets, invités à penser la manœuvre interarmes avec la même hardiesse que le maréchal, tout en demeurant loyaux à l’autorité républicaine incarnée aujourd’hui par le président Denis Sassou Nguesso.
- Leclerc, mythe fondateur de la culture opérationnelle congolaise
- Une célébration au cœur du partenariat de défense France-Congo
- Transmettre les valeurs de résilience aux enfants de troupes
- Anciens et jeunes recrues : un continuum de mémoire opérationnelle
- Geste symbolique et soutien capacitaire
- Vers une école-pilote pour la défense régionale
Une célébration au cœur du partenariat de défense France-Congo
La présence du colonel Thomas Cassan, attaché de défense près l’ambassade de France, et du colonel-major Camille Serge Oya, commandant de l’EMPGL, a rappelé que l’école est née, en 1943, du souffle de la France libre hébergée par Brazzaville. Depuis, la coopération bilatérale n’a cessé d’évoluer : échanges d’instructeurs, stages en écoles d’application, soutien logistique et réflexion doctrinale commune sur la lutte contre les menaces asymétriques dans le Golfe de Guinée. L’hommage rendu au maréchal dépasse ainsi le protocole commémoratif ; il valide la permanence d’un dialogue stratégique fondé sur la confiance, condition sine qua non de l’interopérabilité lors d’exercices conjoints comme « Ngowe 2024 » qui avait mobilisé fantassins et moyens aériens des deux pays à Pointe-Noire.
Transmettre les valeurs de résilience aux enfants de troupes
Dans son allocution, l’AET Serge Eugène Ghoma Boubanga a retracé la trajectoire d’excellence de Leclerc, major de l’École de guerre interrompu par la mobilisation de 1939. Évoquer cette abnégation n’est pas anecdotique : l’EMPGL mise sur le caractère autant que sur le savoir. Les cadets y apprennent que le renseignement de contact prime sur les conjectures, que la logistique conditionne la manœuvre et que la discipline intellectuelle est le meilleur antidote face à la désinformation. Les salles de classe sont désormais dotées de simulateurs tactiques numériques, tandis que le terrain de Kintélé accueille des modules de combat en zone littorale pour préparer la riposte aux incursions pirates qui menacent les corridors énergétiques nationaux.
Anciens et jeunes recrues : un continuum de mémoire opérationnelle
Les rangs des invités comptaient de nombreux anciens enfants de troupe, parmi lesquels Rémy Ayayos Ikounga, président de la Fédération des anciens enfants de troupes d’Afrique. Dans un entretien en marge de la cérémonie, il souligne que « la fraternité des promotions constitue un capital intangible pour la cohésion des forces ». Cette communauté intergénérationnelle, forte de milliers d’officiers et sous-officiers africains, constitue également un réseau de facilitateurs pour la conduite des opérations de soutien à la paix au sein de la CEMAC et dans les contingents onusiens. Qu’ils servent aujourd’hui dans la Marine, la Gendarmerie ou les bataillons de génie, les anciens continuent de parrainer les élèves, transmettant l’expérience des théâtres extérieurs, de Bangui à Tombouctou, où la maîtrise du tempo opérationnel demeure cruciale.
Geste symbolique et soutien capacitaire
À l’issue de la prise d’armes, l’association des anciens a remis une débroussailleuse professionnelle à l’école. L’objet pourrait paraître modeste face aux standards high-tech ; il répond pourtant à un impératif de soutien quotidien : l’entretien des zones d’entraînement en brousse. Le colonel-major Oya a salué « un outil qui permettra de maintenir des parcours d’obstacles opérationnels en condition, garantissant la préparation physique que requiert l’engagement actuel ». Ce don illustre une démarche plus large d’autonomisation logistique, l’EMPGL recherchant, à terme, une capacité d’entretien du parc roulant et des réseaux énergétiques internes afin de réduire la dépendance aux marchés extérieurs et de renforcer la résilience nationale.
Vers une école-pilote pour la défense régionale
Portée par cet héritage, l’EMPGL ambitionne de devenir un centre d’excellence sous-régional. Des pourparlers sont engagés pour accueillir, dès 2026, des stagiaires issus des forces camerounaises et gabonaises dans le cadre du programme CEMAC « Jeunesse & Sécurité ». L’objectif est d’harmoniser les méthodes d’instruction, du tir de nuit à la cyber-hygiène individuelle, afin de bâtir une communauté de sécurité intégrée. Selon une source proche de l’état-major congolais, un projet de création d’une chaire « pensée stratégique africaine » est également à l’étude pour nourrir la doctrine continentale et réduire la dépendance aux manuels importés. La Journée du maréchal Leclerc a, de la sorte, montré qu’au-delà de la mémoire, l’histoire peut être un levier d’innovation au service de la souveraineté et de la paix durables.
