Machettes et motocycles : levée, vigilance accrue

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Levée de suspension : un signal de confiance sécuritaire

Suspendue le 28 octobre pour des motifs de sécurité publique, l’importation des machettes et motocycles est de nouveau autorisée depuis la note circulaire signée le 1er décembre par le ministre d’État en charge du Commerce, Alphonse Claude N’Silou. Deux mois auront suffi pour que les autorités constatent, à travers leurs capteurs opérationnels, un reflux tangible des violences commises par la frange de délinquance juvénile communément appelée « bébés noirs ». Cet horizon apaisé a permis de réajuster la mesure de gel, sans pour autant relâcher la vigilance.

Dans l’entourage du ministre, on rappelle que « la suspension n’était pas une fin en soi mais un outil de dissuasion destiné à couper l’alimentation logistique d’actes malveillants ». En rétablissant le régime d’importation, l’exécutif envoie un double message : il rassure les opérateurs économiques, fortement pénalisés par l’arrêt des commandes, et il affirme la capacité de l’État à calibrer ses décisions en fonction de données sécuritaires vérifiées.

Renseignement intérieur et cartographie des flux illicites

Derrière la décision politique, le service du renseignement intérieur a joué un rôle décisif. Les cellules d’analyse ont superposé données douanières, remontées de terrain et images de vidéosurveillance pour tracer la cartographie des flux illicites. « Nous avons identifié des poches de sur-importation corrélées à des points de revente clandestine », confie un officier de la Direction générale de la surveillance du territoire. L’approche a consisté à distinguer les importateurs réguliers des intermédiaires informels, limitant ainsi l’effet collatéral de la suspension sur les distributeurs vertueux.

Le travail d’investigation a également mis en évidence un déplacement des itinéraires de contrebande vers des axes fluviaux secondaires, parfois difficiles d’accès. Cette donnée a conduit les forces mixtes police-gendarmerie à recentrer leurs patrouilles fluviales et à tester, pour la première fois, un module de drones légers de reconnaissance au-dessus des confluents du Kouilou et de l’Alima. Cette synergie entre renseignement et innovation technique a nourri la décision finale de levée, tout en préparant un nouveau seuil d’alerte permanent.

Forces de sécurité : vers une doctrine de proximité renouvelée

La suspension provisoire a eu pour effet d’obliger la police et la gendarmerie à réévaluer leurs schémas d’intervention dans les arrondissements les plus touchés de Brazzaville et Pointe-Noire. Privées de l’afflux d’armes blanches neuves sur le marché noir, les bandes ont progressivement réduit leur empreinte territoriale, facilitant la mise en œuvre de patrouilles pédestres et motorisées plus légères. « Nous avons tiré profit de cette accalmie pour réintroduire du dialogue communautaire », souligne un commissaire central au cours d’une table ronde organisée par l’École supérieure de police.

La levée n’annule pas ces acquis opérationnels. Le commandement maintient un dispositif de présence visible, mais privilégie désormais le renseignement de voisinage et l’appui des comités de vigilance de quartier. Cette approche, inspirée de la police de proximité, doit empêcher la reconstitution des stocks d’armes blanches et préserver la libre circulation des engins à deux roues, indispensables au transport urbain et à l’économie informelle.

Chaîne logistique et impact économique pour les opérateurs

Pour les importateurs regroupés au sein de la Chambre de commerce, l’interdiction temporaire s’est traduite par une hausse des coûts de stockage et une raréfaction des pièces détachées de motocycles, essentielles aux flottes de livraison urbaine. L’annonce du 1er décembre a donc été accueillie comme un soulagement, tout en rappelant la nécessité d’une conformité stricte aux quotas et normes définis par le ministère du Commerce.

Certaines maisons d’import export ont d’ores et déjà investi dans des solutions de traçabilité par puce RFID, permettant de lier chaque machette à un numéro de lot. Une innovation encouragée par les douanes, qui y voient un moyen de réduire la porosité entre marché formel et filières illégales. À terme, l’objectif est de disposer d’une base de données complète, interopérable avec les systèmes de contrôle de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, afin de fluidifier les démarches tout en sécurisant l’écosystème.

Vers un contrôle intelligent aux frontières CEMAC

La levée de suspension est aussi l’occasion de renforcer la coopération régionale. Selon une note interne du secrétariat permanent de la CEMAC, les États membres étudient la mise en place d’un guichet unique de déclaration préalable pour les marchandises sensibles. Dans ce schéma, le Congo-Brazzaville proposerait d’héberger un centre de données mutualisé, capitalisant sur l’expérience acquise durant les deux mois de gel.

Un tel dispositif reposerait sur la dématérialisation des manifestes, la reconnaissance optique des conteneurs et des échanges d’alerte en temps réel. L’armée de terre, chargée de la sécurisation de certaines frontières terrestres, testerait alors un module de contrôle automatisé couplant balises IoT et patrouilles mixtes. Pour le colonel-major Jean-Blaise Oba, conseiller défense au ministère de l’Intérieur, « la meilleure garantie de liberté du commerce demeure la capacité collective à isoler le risque avant qu’il ne pénètre nos marchés ». La levée de suspension, loin de signifier un relâchement, ouvre ainsi la voie à un modèle de contrôle intelligent et durable.

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