Opération DGSP à Nkayi : méthode et mandat
Le 16 décembre, devant l’hôtel de ville de Nkayi, la Direction générale de la sécurité présidentielle a restitué à leurs familles onze jeunes appréhendés quelques jours plus tôt dans le cadre d’une opération ciblée contre les bandes dites Koulouna. L’initiative, conduite sur réquisition du parquet et en coordination avec la mairie, illustre la capacité d’une unité d’élite à déployer des procédures de contrôle de zone tout en maintenant un lien direct avec l’autorité civile.
- Opération DGSP à Nkayi : méthode et mandat
- Koulouna : genèse d’un phénomène délinquant
- Synergie forces publiques-collectivités locales
- Réhabilitation des jeunes : l’enjeu de la déradicalisation civique
- Impact sur la stabilité de la Bouenza et sur l’attractivité économique
- Projection : vers une doctrine congolaise de sécurité de proximité
Selon le responsable du détachement, les individus concernés présentaient des comportements déviants, sans toutefois être impliqués dans des crimes majeurs. La sélection fine des profils, rendue possible par le recoupement de renseignements humains et techniques, confirme que la DGSP ne se limite plus à la protection rapprochée du chef de l’État : elle assume désormais un rôle complémentaire de sécurisation territoriale, en soutien aux forces de police et de gendarmerie locales.
Koulouna : genèse d’un phénomène délinquant
Le vocable Koulouna, hérité de l’argot urbain, désigne des groupes composites de jeunes en rupture sociale qui, depuis plusieurs mois, multiplient vols, agressions et intimidations dans les centres urbains de la Bouenza. Si leur mode opératoire reste rudimentaire, la charge symbolique de leur violence a nourri un sentiment d’insécurité, poussant certains habitants à parler de « bébés noirs ».
La montée en puissance de ce phénomène s’explique par la conjonction d’un exode rural juvénile, d’un chômage structurel et d’une criminalité transfrontalière alimentée par les trafics le long du corridor Pointe-Noire-Brazzaville. En neutralisant les noyaux actifs sans criminaliser toute une classe d’âge, l’opération de Nkayi vient rappeler qu’une approche de maîtrise graduée s’avère plus efficace qu’un recours massif à la force.
Synergie forces publiques-collectivités locales
La présence du maire Michel Batomissa Malanda aux côtés des commandants d’unité a permis de donner à l’action un ancrage civique. Le dispositif sécuritaire a ainsi été relayé par un discours municipal de prévention, assorti d’engagements concrets en matière d’éclairage public, de patrouilles mixtes police-gendarmerie et de médiation communautaire.
Cette articulation multi-niveaux répond à l’esprit de la Stratégie nationale de sécurité intérieure, qui encourage le décloisonnement entre échelons administratif, judiciaire et militaire. En exposant publiquement les résultats, les autorités locales démontrent leur volonté de transparence, garantissent la légitimité de la force employée et renforcent la confiance d’une population sollicitée pour fournir un renseignement de proximité.
Réhabilitation des jeunes : l’enjeu de la déradicalisation civique
La libération conditionnelle des onze jeunes n’est pas une mesure cosmétique. Elle s’inscrit dans un programme d’accompagnement qui mobilise services sociaux, imams et pasteurs, mais aussi les recruteurs des Forces armées congolaises intéressés par des profils aptes au pré-recrutement militaire. L’objectif affiché consiste à transformer un potentiel déviant en ressource pour la défense nationale.
Un officier formateur, sollicité à Nkayi, estime que « l’encadrement militaire, s’il est volontaire et assorti de tutorat, demeure l’un des plus puissants vecteurs de cohésion et d’insertion citoyenne ». Dans les semaines à venir, des sessions de secourisme, de discipline physique et de sensibilisation aux cyber-menaces seront proposées, action rendue possible grâce à la mutualisation des budgets opérationnels de la DGSP et du ministère des Affaires sociales.
Impact sur la stabilité de la Bouenza et sur l’attractivité économique
Le département de la Bouenza, axe agro-industriel majeur avec la sucrerie de Nkayi et les plantations voisines, dépend étroitement d’un climat sécuritaire sain pour attirer capitaux et main-d’œuvre qualifiée. L’opération du 16 décembre envoie un signal fort aux investisseurs tout en rassurant les opérateurs logistiques qui empruntent quotidiennement la RN1 vers Pointe-Noire.
Dans un contexte sous-régional marqué par la piraterie dans le golfe de Guinée et les trafics de stupéfiants, la reconquête de l’espace public local devient un acte de souveraineté économique. Les autorités parient sur un « effet de halo » : la diminution des actes d’agression favoriserait la reprise des activités nocturnes, de la petite restauration aux plateformes d’exportation sucrière, consolidant ainsi la résilience territoriale.
Projection : vers une doctrine congolaise de sécurité de proximité
L’opération de Nkayi constitue un cas d’école susceptible d’alimenter la réflexion stratégique portée par le Haut-Conseil de défense : comment conjuguer souplesse tactique, respect des droits et efficacité dissuasive ? La DGSP, forte de sa polyvalence, pourrait devenir le fer de lance d’équipes mobiles capables d’appuyer les commissariats dans les localités dépourvues de compagnies de gendarmerie.
Au-delà de la Bouenza, l’enjeu porte sur la modélisation d’un protocole reproductible : cartographie fine des risques, engagement rapide, tri judiciaire rigoureux, volet de réinsertion. Cette doctrine, si elle est entérinée, renforcerait l’image d’un Congo-Brazzaville soucieux de protéger sa jeunesse tout en consolidant la sûreté intérieure, condition indispensable au développement et au rayonnement diplomatique du pays.
