Une disparition qui interroge la résilience informationnelle
La nouvelle, tombée le 20 décembre 2025, du décès de Peggy Ponio Hossié en France des suites d’un accident vasculaire cérébral, a provoqué une onde de choc bien au-delà du cercle journalistique. En l’espace de quarante-huit heures, la presse congolaise perdait également le commentateur sportif Mesmin Ombouma. Au-delà de l’émotion, ces disparitions simultanées remettent en lumière un volet souvent sous-estimé de la défense nationale : la résilience informationnelle. Le premier rempart contre les offensives hybrides est en effet la capacité d’un pays à protéger, diffuser et incarner un récit cohérent. Peggy Hossié, par sa voix et par son exigence professionnelle, fut l’une des architectes de ce récit.
- Une disparition qui interroge la résilience informationnelle
- La puissance douce au service de la cohésion nationale
- Médias, défense et sécurité intérieure : un écosystème convergent
- Leçons tirées pour la communication opérationnelle des forces
- Vers une filière congolaise de l’influence et du numérique
- Synergies régionales et diplomatie d’image
- Morale, culture stratégique et exigence de continuité
La doctrine congolaise de sécurité reconnaît désormais que la guerre des perceptions précède, accompagne et prolonge toute confrontation armée. Le contre-discours à la désinformation n’est pas qu’affaire de serveurs sécurisés ; il relève également du capital humain capable de toucher les esprits. C’est dans cette perspective que la trajectoire de la défunte journaliste, de Télé Congo à ses productions parisiennes dédiées au Bassin du Congo, acquiert une tonalité stratégique.
La puissance douce au service de la cohésion nationale
Les historiens de la défense s’accordent pour dire qu’un pays se défend d’abord par l’unité de son imaginaire collectif. Peggy Hossié, téléspeakerine devenue animatrice emblématique de Forum des Stars, a contribué à cimenter cette unité en projetant une image d’élégance et d’assurance. « Elle incarnait le visage rassurant d’un Congo moderne et sûr de lui », confie le colonel Idriss Ndinga, chef du service de communication des Forces armées congolaises. Par ses chroniques culturelles, elle reliait mondialisation et ancrage identitaire, notion chère aux stratèges qui voient dans la culture un multiplicateur de puissance.
En 2023, lorsqu’elle officie comme maîtresse de cérémonie de la 11ᵉ édition du FESPAM à Brazzaville, sa prestation est saluée comme un acte de diplomatie publique. L’évènement, placé sous le haut patronage de la présidence, a mobilisé les services de sécurité, la Garde républicaine et les opérateurs télécoms pour garantir une diffusion sans faille. Le succès médiatique du festival a renforcé la visibilité du pays et rappelé l’importance d’une synergie entre acteurs culturels et forces de sécurité intérieure.
Médias, défense et sécurité intérieure : un écosystème convergent
Le ministère de la Communication travaille étroitement avec la Police nationale, la Gendarmerie et la Direction générale de la documentation et de la sécurité d’État pour anticiper les manipulations informationnelles. Dans ce maillage, les journalistes aguerris jouent le rôle d’éclaireurs civils capables de détecter, avant les algorithmes, l’émergence de récits hostiles. Peggy Hossié, devenue à Paris consultante en stratégie digitale, formait des jeunes reporters à la « veille émotionnelle », c’est-à-dire à l’analyse de la charge affective d’une campagne en ligne.
Son approche rejoignait l’esprit de la Loi de programmation militaire 2022-2026, qui introduit le concept de « défense cognitive ». À Brazzaville comme à Pointe-Noire, des ateliers conjoints rassemblent désormais officiers des Forces armées congolaises et rédacteurs de rédaction nationale pour simuler la gestion d’une crise de réputation susceptible d’affecter le moral des troupes déployées dans le Pool ou dans les opérations de sécurité maritime du golfe de Guinée.
Leçons tirées pour la communication opérationnelle des forces
Les stratèges retiennent de la carrière de Peggy Hossié trois enseignements. D’abord, la narration doit être incarnée ; un visage crédible vaut parfois plus qu’un budget publicitaire conséquent. Ensuite, la temporalité est décisive ; la journaliste maîtrisait l’art de livrer une information vérifiée sans perdre la primeur. Enfin, la transversalité importe ; elle passait sans heurts de la télévision à l’événementiel, démontrant qu’un message cohérent peut irriguer plusieurs canaux.
Ces principes inspirent la cellule multimédia du ministère de la Défense, dont les jeunes officiers sont formés à l’école supérieure de journalisme de l’Université Marien-Ngouabi. « Notre défi est de parler au citoyen avec la même clarté que Peggy », souligne le capitaine-communication Jules Ongouessy, récemment rentré d’un stage à l’École de guerre économique de Paris.
Vers une filière congolaise de l’influence et du numérique
La transition numérique ouvre un chantier industriel que la disparition de Peggy Hossié rend plus urgent. Le Plan national de développement 2022-2026 prévoit la création d’une Académie de l’influence rattachée au Centre national de cyberdéfense. Objectif : former des « analystes narratifs » capables de manier analytics et rhétorique, et de sécuriser la souveraineté des contenus produits au Congo.
Le secteur privé, qui compte plusieurs PME dans la production audiovisuelle, se prépare à répondre aux appels d’offres pour l’équipement en studios mobiles et plateformes de streaming souveraines. Les partenariats envisagés avec les industriels de la défense permettront, selon les termes du directeur général de la société publique Congo Digital, de « faire converger chaines de télévision, cloud local et réseaux protégés pour garantir la continuité de service même en cas de crise. »
Synergies régionales et diplomatie d’image
À l’échelle de la CEMAC, l’exemple de Peggy Hossié nourrit les discussions sur la mutualisation des capacités d’influence. Lors du dernier séminaire de Libreville consacré à la lutte contre la désinformation terroriste, les délégations militaire et médiatique congolaises ont présenté une étude de cas sur la couverture du déploiement des forces de paix en Centrafrique : l’adhésion populaire dépendait d’une narration empathique relayée par des journalistes de confiance.
Le ministère congolais des Affaires étrangères envisage de proposer un mécanisme d’accréditation régionale pour les correspondants en zone de crise. Un tel dispositif, combiné à une plateforme d’alertes sécurisées, renforce la protection des reporters et alimente les canaux diplomatiques d’informations sourcées. La figure de Peggy, respectée dans plusieurs capitales africaines, demeure le symbole de cette diplomatie d’image assumée.
Morale, culture stratégique et exigence de continuité
Les hommages rendus par le gouvernement, les forces de sécurité et la société civile convergent : Peggy Hossié appartenait à cette catégorie de professionnels dont la disparition crée un “vide capacitaire”. Pour le combler, la formation continue des porte-parole et des journalistes de défense est désormais considérée comme une priorité budgétaire, au même titre que l’entraînement des unités spéciales.
Alors que les réseaux sociaux capturent chaque instant de la vie nationale, la mémoire de Peggy et de son confrère Mesmin Ombouma rappelle que la cohésion n’est pas un acquis mais un combat. Cultiver l’excellence du verbe et la sobriété de ton, telle est la leçon qu’ils lèguent à la nouvelle génération et aux institutions chargées de garantir, par la parole comme par le bouclier, la sécurité du Congo.
