Souveraineté sécuritaire et traçabilité des véhicules
Dans un contexte où la mobilité constitue à la fois un moteur de développement et un vecteur de risques, la République du Congo a fait de l’identification fiable des véhicules l’une des pierres angulaires de sa politique de sécurité intérieure. Le thème retenu pour la 14ᵉ Journée africaine de la sécurité routière – « L’identification des véhicules automobiles, enjeu majeur » – souligne la dimension souveraine de cette démarche. Selon la ministre des Transports, de l’Aviation civile et de la Marine marchande, Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas, « la traçabilité d’un véhicule, de son propriétaire à son historique d’entretien, est devenue aussi stratégique qu’une pièce d’identité ».
- Souveraineté sécuritaire et traçabilité des véhicules
- Lecture automatique des plaques : un outil de police proactive
- Interconnexion gendarmerie-armée pour la protection des axes
- Digitalisation du fichier national : avancée logistique
- Enjeux industriels et marché des plaques sécurisées
- Dimension régionale : vers un registre CEMAC unifié
- Prévention, formation et culture de la discipline routière
- Perspectives stratégiques à l’horizon 2030
Lecture automatique des plaques : un outil de police proactive
La modernisation des plaques ne se limite pas au graphisme. Leur standardisation facilite l’intégration de systèmes de lecture automatique, déjà déployés expérimentalement à Brazzaville et Pointe-Noire. Reliées au centre de données de la direction générale de la police, ces caméras croisent instantanément l’immatriculation avec les fichiers de véhicules recherchés ou volés. Pour le commissaire principal Jean-Marc Mabiala, pilote du programme, « la détection temps réel d’une voiture suspecte réduit le délai d’intervention et prévient les dérives criminelles sur nos axes stratégiques, notamment autour des installations pétrolières du littoral ».
Interconnexion gendarmerie-armée pour la protection des axes
La sécurisation des routes n’est plus l’apanage exclusif de la police routière. Les forces armées, à travers la zone militaire de défense n°1 couvrant Pointe-Noire et le Kouilou, sont désormais connectées au serveur d’immatriculations. Cette interconnexion renforce la protection des convois logistiques militaires, souvent ciblés par des trafics ou des actes de banditisme le long du corridor national 1. Le colonel Rodrigue Okoubi, chef d’état-major adjoint des forces terrestres, souligne que « la fiabilité d’une plaque rend un camion militaire ou civil travaillé pour nos approvisionnements immédiatement identifiable, réduisant les risques de substitution ou d’intrusion hostile ».
Digitalisation du fichier national : avancée logistique
La réforme la plus structurante réside dans la conversion du registre papier des Transports terrestres vers une base de données centralisée et redondée. Hébergée au data-center gouvernemental de Kintélé, cette plateforme alimente les préfectures et postes de contrôle frontaliers. Elle permet le paiement en ligne des redevances d’immatriculation et la génération d’un QR code apposé sur la carte grise. Pour les opérateurs économiques, cette simplification réduit les délais d’obtention d’un numéro officiel, libérant ainsi la capacité de fret et diminuant les coûts cachés liés aux immobilisations prolongées.
Enjeux industriels et marché des plaques sécurisées
Au-delà de la dimension réglementaire, l’identification véhicule une opportunité industrielle. Le ministère de la Défense soutient la création d’un atelier national de fabrication de plaques laminées à froid, doté d’une ligne de gravure laser anti-fraude. Le projet, confié à la Société congolaise des équipements sécuritaires, doit générer une cinquantaine d’emplois qualifiés et réduire la dépendance vis-à-vis des importations régionales. Les entreprises locales de cybersécurité, quant à elles, se préparent à développer les modules de chiffrement asymétrique intégrés aux micro-tags des futures plaques électroniques.
Dimension régionale : vers un registre CEMAC unifié
La mobilité ignorera toujours les frontières si les plaques diffèrent d’un État à l’autre. C’est pourquoi Brazzaville propose, au sein de la CEMAC, la mutualisation d’un référentiel des immatriculations. À terme, un véhicule volé à Libreville pourrait être signalé puis intercepté à Dolisie sans friction administrative. Le secrétaire permanent du Comité inter-États routier annonce déjà la tenue, au premier semestre 2026, d’un exercice de validation interopérabilité entre les gendarmes camerounais, gabonais et congolais. La démarche renforcerait la lutte régionale contre la criminalité transfrontalière et la piraterie terrestre des corridors pétroliers.
Prévention, formation et culture de la discipline routière
La technologie ne saurait suffire sans l’adhésion des usagers. Les directions départementales des Transports de Pointe-Noire et du Kouilou, appuyées par les forces de sécurité, ont relancé en 2025 un programme de caravanes pédagogiques. Des auto-écoles partenaires diffusent des capsules audiovisuelles rappelant qu’un deux-roues non immatriculé, qualifié de « véhicule fantôme », complique les opérations de secours et d’enquête. Les statisticiens du ministère font d’ailleurs le lien entre le taux d’immatriculation et la baisse du nombre de blessés graves, passant de 118 à 92 sur les neuf premiers mois de l’année dans le département de Pointe-Noire.
Perspectives stratégiques à l’horizon 2030
À moyen terme, le gouvernement vise un taux d’immatriculation supérieur à 95 % du parc roulant et l’équipement de tous les postes routiers d’un lecteur de plaques connecté. Cette ambition s’inscrit dans la feuille de route nationale de résilience, laquelle associe protection civile, sûreté maritime et sécurité routière sous un même concept de « mobilité sûre ». Comme l’a déclaré le chef de cabinet du préfet de Pointe-Noire, Alphonse Boumandouki, « les progrès ne doivent plus rester des rêves ; la traçabilité des véhicules est la condition d’un espace public stable, propice au développement et à la paix sociale ».
