Un trophée logistique aux résonances stratégiques
La neuvième édition des Awards des ports africains, tenue en marge du 45ᵉ Conseil annuel de l’Association de Gestion des Ports de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, a couronné le port autonome de Pointe-Noire du prix de meilleur trafic transit pour l’année 2024. Derrière la reconnaissance sectorielle se dessine un enjeu plus large : la consolidation d’un maillon essentiel de la posture de sécurité collective en Afrique centrale.
Le directeur général de Congo Terminal, Anthony Samzun, rappelle que plus de 350 millions d’euros ont déjà été mobilisés pendant la phase 1 pour moderniser le terminal à conteneurs, avant le déploiement actuel de 400 millions supplémentaires dans le cadre de la phase 2 au Môle Est. Ces chiffres témoignent d’un effort d’ampleur visant à faire de Pointe-Noire « la porte océane de l’Afrique centrale ». Cette ambition, outre sa dimension économique, nourrit une profondeur stratégique : un hub de transit fiable accroît la fluidité des chaînes d’approvisionnement civiles et militaires dans une zone exposée à la piraterie, au trafic illicite et aux catastrophes naturelles.
Des infrastructures duales certifiées ISO 9001 et ISPS
Le terminal géré par la filiale d’AGL se distingue par une conformité simultanée aux exigences ISO 9001/2015 et au Code international ISPS, socle normatif de la sûreté portuaire. Au-delà du label de qualité, ce double standard induit la mise en œuvre de procédures d’inspection, de contrôle d’accès et de gestion de crise qui bénéficient tout autant aux armateurs qu’aux autorités chargées de la protection maritime.
Les équipements à la pointe de la technologie, parmi lesquels le système d’exploitation Navis 4 et la démarche « Pedestrian Free Yard », optimisent la circulation des conteneurs tout en réduisant l’exposition humaine aux accidents. Dans un contexte de menaces hybrides, la digitalisation et l’automatisation des opérations contribuent à la résilience d’infrastructures critiques dont l’indisponibilité pèserait directement sur la capacité de déploiement de forces nationales ou multilatérales.
Un levier de souveraineté économique et sécuritaire
En franchissant dès 2022 le seuil symbolique d’un million d’équivalents-vingt-pieds manutentionnés par an, le port a confirmé sa position de tête-de-pont pour les chaînes d’approvisionnement régionales. Les 900 collaborateurs congolais impliqués participent à un transfert de compétences qui renforce la souveraineté du pays sur un nœud logistique vital.
Séraphin Bhalat, directeur général du Port autonome de Pointe-Noire, souligne le mérite d’un partenariat public-privé « qui a abouti à ce précieux résultat ». Cet agencement institutionnel garantit la présence permanente de l’État dans la gouvernance tout en mobilisant l’expertise privée nécessaire à la conduite des investissements. Pour les décideurs de la défense, cette architecture offre un avantage essentiel : la disponibilité d’une plateforme capable de soutenir l’effort opérationnel sans grever les finances publiques, tout en demeurant sous contrôle national.
Partenariat public-privé : gouvernance et résilience
Le modèle retenu par Brazzaville pour le terminal à conteneurs illustre une voie d’équilibre entre exigence de rentabilité et impératif de sécurité. En déléguant l’exploitation à Congo Terminal, l’État concentre ses moyens sur la supervision réglementaire, la coordination inter-agences et la planification de la sûreté maritime.
L’entreprise, certifiée Green Terminal, inscrit par ailleurs ses actions dans une logique de développement durable, condition de longévité des infrastructures militaires comme civiles. Les initiatives solidaires menées au profit de la jeunesse et de l’éducation, bien que relevant de la responsabilité sociétale, servent aussi l’objectif de stabilité : un environnement socio-économique apaisé constitue la première ligne de défense contre les vecteurs de déstabilisation portuaire.
Cap vers 2026 : phase 2 et ambition océane
L’extension du terminal au Môle Est, cœur de la phase 2, doit permettre d’accroître significativement la capacité d’accueil et de transbordement sur la façade sud-ouest africaine. Selon Congo Terminal, l’objectif est de positionner Pointe-Noire comme « plateforme d’excellence » pour le trafic en eaux profondes. Cette évolution, combinée à la profondeur naturelle du chenal, consolidera l’aptitude du port à recevoir des bâtiments de plus fort tonnage, paramètre décisif pour les déploiements humanitaires ou sécuritaires de grande ampleur.
La distinction obtenue en novembre 2025 agit ainsi comme un marqueur de crédibilité et un levier d’attractivité pour de nouvelles compagnies maritimes, mais également pour les partenaires internationaux engagés dans la surveillance du golfe de Guinée. Alors que la piraterie et la pêche INN demeurent des risques persistants, disposer d’une infrastructure capable d’offrir un transit rapide et sûr constitue un avantage compétitif et stratégique majeur pour la République du Congo.
En définitive, le prix de meilleur trafic transit consacre le pari industriel de Pointe-Noire tout en projetant une image de fiabilité dont les retombées dépassent le champ commercial. La sécurisation des flux, l’intégration des économies sous-régionales et la montée en compétence des personnels forment un triptyque décisif pour la stratégie de défense et de sécurité nationale.
