Un anniversaire sous le signe de la résilience sécuritaire
Devant les chambres réunies en congrès, le Président Denis Sassou-Nguesso a inscrit la célébration du 28 novembre dans une perspective stratégique : rappeler que la défense de la souveraineté intérieure demeure la clef de voûte de toute ambition nationale. En convoquant les crises traversées depuis l’indépendance – conflits civils des années 1990, instabilité frontalière, pressions criminelles contemporaines – le chef de l’État a voulu faire du devoir de mémoire une mesure de vigilance collective. « La République n’existe que si elle se protège », a-t-il lancé dans l’hémicycle, liant explicitement histoire et résilience.
L’universitaire Placide Moudoudou, constitutionnaliste à l’Université Marien Ngouabi, partage la lecture présidentielle : selon lui, le 28 novembre doit devenir un rendez-vous d’acculturation stratégique, impliquant écoles, collectivités et forces armées afin de nourrir un patriotisme éclairé. La commémoration cesserait ainsi d’être un simple rituel pour devenir un temps d’appropriation populaire des enjeux de sécurité nationale.
Consolidation du socle Défense-Nation
Le Président a rappelé les jalons posés ces dernières années pour cimenter le lien Armée-Nation : loi de programmation militaire 2023-2027, montée en puissance du Service national actif et création de centres d’instruction conjoints avec des partenaires de la CEMAC. Dans l’intervention présidentielle, l’effort porte simultanément sur le maintien en condition opérationnelle des équipements hérités et l’acquisition de capacités intermédiaires – véhicules protégés, moyens ISR légers, radars côtiers – jugées adaptées au profil des menaces.
Placide Moudoudou observe que cette orientation privilégie une défense « pragmatique » : robuste sur le socle territorial, agile sur les théâtres extérieurs où le Congo est engagé, notamment au sein des missions onusiennes. La doctrine implicite est celle d’une réversibilité capacitaire ; elle permet, en cas de tension majeure, de densifier rapidement la posture grâce à un tissu industriel local que la loi sur la sous-traitance de défense vient de consolider.
Modernisation des forces intérieures et lutte contre le banditisme
Le discours présidentiel a martelé la priorité donnée à la lutte contre le grand banditisme qui grève l’économie informelle et nourrit l’insécurité urbaine. Le chef de l’État a validé le déploiement progressif de brigades polyvalentes de gendarmerie équipées de moyens de géolocalisation, ainsi que la rénovation de 72 commissariats dans les corridors commerciaux stratégiques. L’objectif annoncé est de « tarir la logistique criminelle » en frappant simultanément réseaux de ravitaillement et flux financiers clandestins.
Pour le professeur Moudoudou, cette offensive sécuritaire s’inscrit au cœur du contrat républicain : garantir la sûreté constitue la condition sine qua non de l’exercice des libertés publiques. Il insiste cependant sur l’importance de coupler l’action répressive à une gouvernance plus fine des renseignements territoriaux ; la fusion récente des fichiers police-douane-impôts ouvre selon lui la voie à une police prédictive capable d’anticiper les émergences criminelles.
Jeunesse, égalité et esprit de défense
L’éducation a été présentée comme la deuxième digue de sécurité. Les nouveaux complexes scolaires et le chantier universitaire d’Oyo sont décrits comme des incubateurs de compétences technologiques, mais aussi de culture stratégique. L’introduction d’un module « citoyenneté et défense » au collège – déjà expérimenté à Pointe-Noire – sera généralisée en 2026 afin de forger, selon le Président, « des citoyens libres parce que responsables ».
Placide Moudoudou relève que cet effort perdrait de sa crédibilité sans une accélération de l’égalité des chances. Il rappelle qu’aucune femme ne dirige encore de ministère de souveraineté, alors que les forces armées comptent 18 % de militaires de sexe féminin. La promotion d’officières aux états-majors servirait, affirme-t-il, de puissant signal aux lycéennes que l’institution militaire leur est ouverte.
Projection extérieure et diplomatie de sécurité
En dressant le bilan des partenariats extérieurs – FOCAC, COP30, Décennie onusienne du reboisement 2027-2036 – Denis Sassou-Nguesso a souligné l’interdépendance entre stabilité intérieure et crédibilité internationale. Sur la scène multilatérale, le Congo met en avant sa contribution aux opérations de paix en Centrafrique et au Soudan du Sud, ainsi que la conversion de trois anciennes bases aériennes en plateformes logistiques dédiées aux secours humanitaires régionaux.
Cette diplomatie de sécurité est un instrument d’influence. Elle offre, observe le professeur Moudoudou, une vitrine à l’industrie congolaise naissante de l’aéronautique légère et aux sociétés de maintenance locales. En projetant des savoir-faire plutôt que de seules troupes, Brazzaville consolide son statut de fournisseur de solutions et non plus de simple récipiendaire d’assistance.
Vers une République inclusive et stable
Du croisement des discours présidentiel et académique émerge une feuille de route où sécurité, justice sociale et participation citoyenne se renforcent mutuellement. La commémoration du 28 novembre n’est pas seulement un rappel historique ; elle structure un horizon politique où la sûreté intérieure soutient l’investissement économique, l’égalité nourrit la cohésion, et la diplomatie de défense élargit la marge de manœuvre nationale.
Placide Moudoudou synthétise : « Une République vivante est celle qui évite la fracture entre textes et réalités. » À 67 ans, le Congo semble résolu à aligner son architecture sécuritaire sur cette exigence, tout en préservant l’équilibre entre rigueur opérationnelle et ouverture sociétale. La trajectoire esquissée devant le Parlement appelle désormais une mise en œuvre exigeante, gage de la stabilité recherchée par l’ensemble des partenaires nationaux et internationaux.
