Sécurité : Washington renforce ses liens congolais

7 Min de Lecture

Un partenariat bilatéral en pleine accélération

Réunis à la résidence de l’ambassade des États-Unis le 3 décembre, diplomates, chefs militaires et capitaines d’industrie congolais ont entendu la chargée d’affaires Amanda Jacobsen dresser le bilan d’une année dense et tracer l’agenda d’ici 2026. Au-delà de la traditionnelle convivialité de fin d’année, l’évènement a confirmé la montée en puissance d’un axe Washington-Brazzaville désormais présenté par les deux capitales comme « mutuellement stratégique ». Les propos de la diplomate américaine, saluant « le rôle de pilier de stabilité que joue le Congo en Afrique centrale », trouvent un écho particulier à un moment où la région, du Golfe de Guinée aux Grands Lacs, exige des réponses coordonnées en matière de sécurité et de développement.

Sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, Brazzaville a fait du dialogue international un vecteur de résilience. Les programmes conjoints menés cette année, qu’il s’agisse de l’évacuation réussie du personnel diplomatique depuis Kinshasa ou de la montée en puissance des exercices fluviaux sur le fleuve Congo, illustrent une coopération concrète. Les États-Unis entendent maintenant amplifier ces acquis en articulant leur action autour de trois piliers, afin de passer d’une logique de projets à une véritable architecture de sécurité partagée.

Trois piliers stratégiques à l’horizon 2026

Premier pilier, le partenariat opérationnel englobe le dialogue politico-militaire, la formation des forces et une interopérabilité accrue. Le Pentagone a déjà affecté des conseillers à l’École supérieure de guerre de Brazzaville pour accompagner l’actualisation de la doctrine d’engagement des Forces armées congolaises, notamment sur la planification interarmées et la gestion des crises humanitaires. Des volets spécifiques liés à la cybersécurité et à la lutte contre les engins explosifs improvisés devraient être ajoutés lors du prochain cycle d’exercices « Obangame Express ».

Deuxième pilier, le renforcement de la paix pour la stabilité régionale traduit la volonté américaine de soutenir les initiatives soutenues par Brazzaville au sein de la CEEAC et de l’Union africaine. Dans les couloirs du ministère congolais de la Défense, l’on souligne que les échanges constants avec le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM) ouvrent la voie à un partage de renseignements plus structuré sur la piraterie dans le Golfe de Guinée et les trafics transfrontaliers. À terme, un centre d’alerte avancé, adossé à l’aéroport d’Ollombo, pourrait fédérer données satellite et radars côtiers pour un suivi temps réel des menaces maritimes.

Diplomatie sécuritaire et stabilité régionale

Le troisième pilier, qualifié de prospérité inclusive, n’est pas qu’économique. Il s’agit d’adosser la croissance aux impératifs de sûreté. Washington cible ainsi les secteurs énergie, logistique et technologies numériques, jugés à double usage : civils, mais générateurs de capacités critiques pour la défense. Plusieurs entreprises américaines de cyberdéfense et de maintenance aéronautique prospectent déjà Pointe-Noire et Oyo, attirées par l’option d’implantations dans des zones économiques spéciales où les exonérations douanières côtoient l’accès à un haut débit sécurisé.

Cette diplomatie sécuritaire se nourrit de la réputation de médiateur que le Congo cultive depuis Brazzaville. Le ministre congolais des Affaires étrangères rappelle que la participation régulière de contingents congolais aux opérations de paix onusiennes fait du pays un acteur crédible, capable d’entraîner, à domicile, des bataillons étrangers avant leur déploiement. La création annoncée d’un centre régional de préparation aux missions de maintien de la paix, soutenu par le Département d’État, renforcera encore cette image et servira de creuset à la coopération Sud-Sud.

Migration et sûreté des frontières

La suspension, en 2025, des visas de certaines catégories de voyageurs congolais par l’administration américaine a rappelé la dimension sécuritaire de la mobilité internationale. Pour répondre à cet enjeu sans entraver les échanges humains, un groupe de travail conjoint sur la sécurité migratoire se réunit désormais de façon mensuelle. Il associe Police de l’air et des frontières, Gendarmerie nationale, service américain de la Sécurité intérieure et Bureau régional d’Interpol.

Les discussions portent sur le renforcement des contrôles aux points d’entrée, l’interconnexion des bases de données biométriques et la formation des officiers d’immigration. Brazzaville planche, avec un appui financier américain, sur l’installation de portiques e-Gate à l’aéroport Maya-Maya et sur la mise à niveau du système de visas électroniques. Au-delà de la conformité aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale, il s’agit de lutter contre la traite des êtres humains, un fléau qui nourrit insécurité et criminalités organisées régionales.

Perspectives industrielles et retombées pour les forces

La perspective d’une implantation plus forte des industriels américains ouvre des opportunités directes pour les Forces armées congolaises. Le ministre délégué aux Grands travaux voit dans l’arrivée d’équipementiers d’hélicoptères et de drones tactiques l’occasion de structurer une filière de maintenance condition-based : un atout pour la disponibilité opérationnelle. De même, les sociétés américaines positionnées sur la sécurisation de pipelines peuvent transférer des technologies de capteurs acoustiques utilisables pour la surveillance périmétrique des bases.

Au plan doctrinal, la convergence d’intérêts économiques et sécuritaires conforte Brazzaville dans sa stratégie de diversification des partenariats, tout en consolidant la relation historique avec les États-Unis. À l’horizon 2026, la combinaison de financements de la Banque américaine d’import-export, de crédits FMS pour l’achat d’équipements non létaux et de programmes de formation IMET devrait offrir aux jeunes officiers congolais un accès élargi aux cursus des académies américaines. Une dynamique qui, tout en servant la modernisation des forces, irrigue le tissu civil par un flux continu de compétences managériales et technologiques.

Partager cet Article