Discours xénophobes : un risque stratégique
Ces dernières semaines, les services de veille de la Direction générale de la sécurité intérieure ont constaté une recrudescence de messages à caractère xénophobe circulant sur les plateformes sociales, stigmatisant les concitoyens nés de parents d’origines mixtes. Derrière l’apparente futilité de ces invectives numériques se cache un cocktail inflammable susceptible d’éroder le ciment sociétal patiemment consolidé depuis les Accords de paix de 2003. La xénophobie, lorsqu’elle se mue en agitation de masse, tend à se transformer en facteur de polarisation politique, fragilisant la Nation et détournant l’attention des priorités de défense collective que constituent la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, la lutte contre la piraterie fluviale et le développement d’une base industrielle et technologique de défense souveraine.
- Discours xénophobes : un risque stratégique
- Cohésion nationale et dispositif de sécurité intérieure
- Impact sur les forces armées et la préparation opérationnelle
- Guerre informationnelle et contre-influence numérique
- Initiatives gouvernementales pour renforcer l’unité
- Construire une résilience sociétale et stratégique
- Vers une convergence des volontés
Cohésion nationale et dispositif de sécurité intérieure
Le maintien de l’ordre républicain repose sur la confiance mutuelle entre la population et les forces de sécurité. Toute remise en cause de l’appartenance congolaise de tel ou tel groupe ethnique menace cette relation de confiance et, par ricochet, l’efficacité opérationnelle de la Police nationale congolaise et de la Gendarmerie. Le ministère de l’Intérieur rappelle que les unités engagées dans l’opération Mboka sécuritaire, déployées simultanément à Brazzaville, Pointe-Noire et Ouesso, intègrent un effectif représentatif de l’ensemble des départements du pays afin d’envoyer un signal clair : la protection du citoyen est apolitique et indifférente aux origines. Fragmenter le corps social reviendrait in fine à fragmenter le renseignement humain, première barrière contre la criminalité transfrontalière.
Impact sur les forces armées et la préparation opérationnelle
La posture de défense adoptée par l’État-major général repose sur une chaîne logistique qui traverse toutes les provinces. Or, les crises identitaires créent des points de friction pouvant ralentir la mobilité stratégique des troupes et la circulation des convois de soutien. Le colonel-major Lydie Mankou, chef de la cellule Cohésion au sein du Commandement logistique, résume la problématique en ces termes : « Lorsque des villages refusent le passage d’une unité sous prétexte qu’elle compte des recrues issues d’un autre terroir, c’est toute la continuité d’action qui vacille ». L’enjeu n’est pas théorique ; il conditionne la capacité du Congo à honorer ses engagements au sein de la Force multinationale de la CEMAC et à projeter un bataillon dans les opérations de maintien de la paix sous casque bleu.
Guerre informationnelle et contre-influence numérique
Les experts du Centre national de cyberdéfense ont identifié plusieurs comptes automatisés amplifiant les contenus séditieux. Leur traçage révèle des proxys situés à l’extérieur du continent, confirmant que la xénophobie congolaise peut être instrumentalisée comme vecteur de déstabilisation. Dans cette guerre de la narration, la riposte passe par la mobilisation de cellules de contre-influence associant cyber-analystes, linguistes et officiers de communication opérationnelle. La récente campagne « Une Nation, Un Bouclier », diffusée sur les ondes de Radio-Congo et portée sur les réseaux par des influenceurs culturels, illustre la volonté du gouvernement de reprendre la main sur l’espace numérique sans museler le débat démocratique. Le but recherché est de couper l’herbe sous le pied aux acteurs malveillants avant que les discours de haine ne se muent en violences physiques.
Initiatives gouvernementales pour renforcer l’unité
Le président Denis Sassou Nguesso a réaffirmé, lors de la cérémonie de sortie de la 38e promotion de l’École spéciale militaire de Kananga, que « la grandeur d’une armée réside d’abord dans l’unité de la Nation qu’elle défend ». Concrètement, le gouvernement prépare un projet de loi sur la cohésion nationale et la lutte contre les discriminations, inspiré des recommandations émanant du Haut-Commissariat à la Réinsertion. Sur le terrain, des patrouilles mixtes Police-Armée accompagnent des médiateurs civils dans des villages ciblés afin d’animer des ateliers sur la citoyenneté. Le commandement insiste sur le fait que ces actions ne constituent pas une militarisation du dialogue, mais un appui logistique et sécuritaire offert à la société civile pour favoriser une reprise de parole apaisée.
Construire une résilience sociétale et stratégique
La résilience ne se décrète pas, elle se prépare. Les états-majors incluent désormais, dans chaque exercice interarmées, un scénario de désinformation ethnique afin de tester la chaîne d’alerte gouvernementale. Par ailleurs, l’Institut congolais des hautes études stratégiques développe un module de formation dédié aux officiers et aux préfets, combinant sociologie des conflits et gestion de crise. L’objectif est de doter la République du Congo d’un capital humain capable de désamorcer les tensions avant qu’elles n’atteignent un seuil critique. À l’ère de l’hyper-connectivité, l’ennemi d’aujourd’hui n’est pas toujours celui que l’on voit sur un radar ; il peut être ce message empoisonné partagé des milliers de fois qui affaiblit silencieusement notre capacité à faire front commun.
Vers une convergence des volontés
À l’heure où les menaces asymétriques évoluent à un rythme soutenu, la plus précieuse des ressources stratégiques demeure la cohésion nationale. En défendant l’idée qu’un Congolais l’est de plein droit, indépendamment de l’origine de ses parents, l’État protège ses citoyens tout autant qu’il protège la manœuvre opérationnelle de ses forces. Les diplomates évoquent ici la notion de power of attraction : un pays soudé attire l’investissement, renforce la crédibilité de sa parole et consolide ses alliances régionales. Lutter contre la xénophobie n’est donc pas seulement un impératif moral ; c’est un instrument de puissance douce au service de la vision Congo 2030. Le défi est grand, mais la détermination affichée par les institutions, appuyées par une société civile responsable, laisse entrevoir un horizon où sécurité et diversité formeront les deux faces d’une même médaille.
